Le design chez Saint-Gobain

Admirable Design va à la rencontre de Katie Cotellon, responsable design et expérience utilisateur chez Saint-Gobain, qui nous parle de son parcours, de son entreprise et du design. 

Katie Cotellon, pouvez-vous présenter ?
K.C. Je suis ingénieure de recherche en sciences et génie des matériaux de l’UTC-Compiègne.Mon parcours professionnel a démarré chez EDF où j’ai initié le design dans une industrie qui se demandait ce qu’était le design. Puis, j’ai rejoint BETC Design où la question était comment amener la composante stratégique au design. J’étais en charge d’un pôle consulting dans une agence de design, ce qui était assez nouveau dans les années 2000 (ndlr  : tout du moins en France). Je me suis intéressée à la façon dont le design venait percuter le design de la marque.
Puis, je suis passée chez Attoma pour développer l’offre en matière de design de service. Ce qui m’inspire est d’être « designer tout terrain » pour expérimenter l’intégration du design en entreprise. Ce qui m’intéresse, en particulier, est d’étudier et de créer l’ensemble des interactions entre l’entreprise et ses parties prenantes. C’est que j’appelle le design d’interaction, qui ne se limite pas aux interfaces digitales. J’ai d’autre part toujours été très impliquée dans l’éducation, notamment pour étudier comment « designer le design » et voir comment les démarches éducatives peuvent passer des caps différents. Mon immersion dans le monde éducatif s’est faite à plusieurs titres : en tant que formatrice, mais aussi en étant plongée dans l’administration afin de revoir l’ingénierie pédagogique de l’école (Ensci). C’est dans ce contexte que j’ai rencontré Saint-Gobain qui voulait mettre en place au sein de sa R&D une équipe design et expérience utilisateur.

En quoi consiste votre job chez Saint-Gobain ?
K.C. Je suis responsable design et expérience utilisateur de cette entreprise qui conçoit, produit et distribue des matériaux. À ce titre, je manage une équipe de huit personnes, intégrée à la R&D du centre de recherche d’Aubervilliers qui compte 480 personnes, et qui est l’un des huit centres de recherche du groupe. Le centre R&D où je suis est positionné sur l’excellence scientifique : je baigne donc continûment dans une atmosphère scientifique ! Notre mission est d’accompagner l’innovation en matière de matériaux et de systèmes constructifs, et cette innovation se fait par les usages. Mon équipe est composée de designers et sociologues car, comme beaucoup d’entreprises du secteur BtoB, Saint-Gobain ne détient pas forcément l’ensemble des insights utilisateurs et donc des solutions correspondantes. Nous sommes une fonction pivot entre la R&D, le marketing et les métiers du bâtiment, au sens large : artisans du bâtiment, mais aussi toute la chaine de la prescription (architectes, bureaux d’études etc.). Nous parlons d’expérience utilisateur car entre le moment où l’on conçoit et celui où l’on distribue, nous franchissons beaucoup d’étapes. Notre rôle est d’optimiser la valeur de chacun des maillons de la chaîne de valeur. Par exemple, quand vous êtes artisan et que vous allez Chez Point P, il y a pu avoir en amont une étape de click & collect. Pour nous, l’expérience du matériau doit être désirable, mémorable, soutenable à travers dans l’ensemble des points de contact. 

Comment fonctionnez-vous ?
K.C. Nous sommes une agence de design intégrée et travaillons pour le compte des différents business de Saint-Gobain. En d’autre termes, nous travaillons « sur commande » pour les clients internes. Pour moi, ce qui est inspirant est de faire jouer aux matériaux de nouveaux rôles, pour pouvoir accompagner des usages existants ou nouveaux. Le design est utilisé comme l’art de créer des ponts entre des mondes qui ne sont pas toujours très alignés. Pour révéler le pouvoir des matériaux, il faut en révéler toutes les formes de valeur : économique, bien sûr, mais aussi usage, estime, expérientiel, etc.

Votre vision du design ? 
K.C. L’enjeu pour nous designers et d’avoir des compétences fortes pour dessiner un service ou un objet. Mais ce que l’on apporte en plus est la capacité à bâtir des ponts signifiants entre des mondes qui mettent en tension – dans le bon sens du terme – une organisation. 

Le mot de la fin ?
K.C. Aujourd’hui le design est très utilisé dans sa composante digitale. Mais cela masque la réalité d’un design qui peut être autre, à savoir une corde supplémentaire et non pas une solution en tant que telle. Le design doit garder son aspect critique et réflexif. Le design français a cette vertu de disposer d’une vision holistique, d’être très ouvert et créatif, ce qui lui permet d’établir des propositions de caractère qui savent mettre en valeur l’entreprise et ses spécificités. Il faut que le design français continue à porter cela et en fasse une valeur constante.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1141