Des nouvelles de Rubika

Rencontre avec Stéphane André, le directeur de Rubika, école d’animation, jeu vidéo et design déployée sur quatre campus dont trois à l’international.

Stéphane André, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
S.A. J’ai fait l’École navale où j’ai passé pas mal de temps dans les sous-marins (ndlr : gros avantage pour gérer le confinement actuel). Ensuite, j’ai rejoint le monde du conseil, chez Bossard, où je suis intervenu dans les domaines de l’industrie et du service, et en particulier en Asie pour Nissan. Ensuite, j’ai pris la direction de l’APM (ndlr : Association progrès du management) dont l’une des particularités est de s’être beaucoup développée à l’international en langue française. À ce poste, j’ai fortement œuvré pour que les PME intègrent davantage la démarche et les outils du design. En novembre 2017, j’ai rejoint Rubika comme directeur général.

Parlez-nous un peu de Rubika
S.A. Rubika existe depuis 30 ans et propose trois types de formations : animation, jeu vidéo (game design, game artiste et game programmation) et design (transport, services numériques et interaction). Nous avons fait en sorte que des passerelles existent entre ces trois matières, et notamment entre design et jeu vidéo. Concernant nos campus, nous en avons quatre : le principal est à Valenciennes et les trois autres sont à Montréal, Nairobi (Kenya) et Pune (Inde) avec une majorité de cours en anglais. L’école dans son ensemble comprend 1 300 étudiants, dont environ 1 000 à Valenciennes. Nous sommes particulièrement reconnus sur le plan international pour la filière design numérique car 40 % des diplômés de cette matière sont implantés à l’étranger. Enfin, nous avons 250 diplômés par an, toutes formations confondues. 

Quelles sont les particularités de Rubika ?
Comme toute école, nous avons nos spécificités, dont deux aspects très différenciants. Tout d’abord, l’actionnaire de Rubika est une CCI (ndlr : celle des Hauts-de-France), ce qui constitue pour nous une configuration idéale car nous avons comme mission d’investir l’ensemble de nos ressources dans le développement et le rayonnement de l’école. Autrement dit, nous n’avons pas la pression du résultat économique et pouvons donc entièrement nous concentrer l’excellence pédagogique. Ensuite, du fait de notre forte internationalisation, nous donnons à nos étudiants les clés pour leur apprendre à travailler avec des gens issus de cultures différentes et se confronter à des problématiques de design variées, comme par exemple en Inde où il faut savoir faire avec rien. 

Vos projets ?
J’ai en tête deux nouvelles implantations internationales mais c’est encore un peu tôt pour en parler. D’autre part, en France, on va se lancer dans l’apprentissage car nous avons la chance de disposer localement d’un tissu industriel varié et développé. 

Comment percevez-vous l’enseignement du design en France ?
S.A. Il y a un certain nombre d’écoles, dont Rubika, à la pointe de la réflexion design : je citerai, par exemple, Strate École de Design ou l’École de design Nantes Atlantique. Mais en parallèle, il y a pas mal de nouveaux arrivants bénéficiant d’un regain d’intérêt pour la discipline du design, et cela me fait un peu peur. En effet, je ne suis pas certain de leur niveau de maturité quand elles proposent des formations très courtes, labellisées design. Le design est un modèle de pensée particulier qui ne s’acquiert pas d’un claquement de doigts. La durée de formation est un critère important.

Quel est pour vous le vrai rôle du design ?
S.A. Le designer va jouer un rôle central dans l’organisation de nos nouvelles sociétés. Il se passe des choses très intéressantes en la matière, aussi bien en France que dans le monde. Beaucoup d’initiatives voient le jour où le designer réfléchit sur le devenir de nos sociétés, avec à la fois des propositions concrètes de court terme mais aussi une réflexion stratégique sur le long terme. Cela dit, et en France plus spécifiquement, le design ne sera vraiment reconnu que quand il aura intégré l’ensemble des PME. On en est loin. Et si l’on n’a pas encore la solution pour que cela soit une réalité, c’est pourtant une absolue nécessité. Et puis un mot, également, à propos de la sphère publique et de nos instances gouvernementales : si le message sur l’importance  d’être une start-up nation est bien passé, je n’ai rien vu sur le fait que nous devions être une design nation ! Enfin, un message pour les jeunes générations  : intéressez-vous au design si vous voulez changer la société. C’est un moyen très efficace, tant sur le plan de l’éthique que celui du business.  

Pour terminer, comment gérez-vous la  crise liée au Covid-19 ?
S.A. Le 16 mars tous nos campus ont été fermés. Nous avons donc mis en place des cours à distance, qui couvrent 70 % des programmes. Les 30 % restants seront soit reportés lors de la fin du confinement, soit intégrés dans une année prolongée ou soit directement décalés à la rentrée prochaine. Sur le plan de la trésorerie nous ne sommes pas trop impactés car les frais de scolarités et d’inscription ont été en grande partie encaissés avant le confinement Un petit message, au passage, en direction des entreprises : payez vos agences de design et, surtout, ne stoppez pas les projets en cours ou qui avaient été programmés. 

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1149