Outercraft : design et ingénierie

Rencontre avec Florian Auger, fondateur et directeur d’Outercraft, agence de design disposant d’une forte compétence en matière d’ingénierie. 

Florian Auger, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
F.A. J’ai suivi des études en matériaux et en arts plastiques et ai travaillé pendant dix ans sur les planches de surf haut de gamme, pour toutes les sociétés dans le monde en la matière. Là, j’ai pu toucher la R&D, le design et la fabrication, ce qui m’a permis, par exemple, de lancer la première planche en fibre de lin en 2006 pour UWL. Par la suite, j’ai basculé dans la R&D du secteur de l’aérospatial, en menant en parallèle des projets entrepreneuriaux. Ma véritable rencontre avec le design s’est faite à cette époque, lors de mes échanges avec le designer Jean-Louis Iratzoki. En 2017, je décide de lancer Outercraft sur les bases d’une prestation combinant design, conception mécanique et prototypage.  

Comment situer Outercraft ?
F.A. Outercraf est une agence de design produit, et uniquement de design produit, qui a la particularité de disposer d’un bureau d’études intégré ainsi que d’un atelier de prototypage multi-matériaux et multi-process. Ce positionnement nous permet d’être très performants en matière d’innovation, c’est-à-dire d’avoir la capacité de proposer dans des délais courts des solutions attractives et réalistes. Dit autrement, on maîtrise efficacement la chaîne de valeur allant de la réflexion stratégique jusqu’au suivi de fabrication. En termes d’activité, nous sommes très actifs sur le marché du sport, particulièrement  demandeur de compétences comme les nôtres, ainsi que sur celui la mobilité électrique et du médical. La typologie de nos clients va du porteur de projet, en passant par la PME jusqu’au grand groupe. Outercraf est aujourd’hui composé de sept personnes et a réalisé un chiffre d’affaires de l’ordre de 400 000 euros en 2019. Mon objectif à cinq ans est essentiellement de renforcer nos compétences, plutôt que de grandir rapidement. On veut d’abord être reconnu comme expert produit maîtrisant aussi bien la stratégie, le design que les aspects industriels. Cela dit, on souhaiterait avoir une deuxième implantation quelque part en Europe, mais rien n’est encore défini. 

Comment voyez-vous évoluer le design produit ?
F.A. Sur le plan purement métier, on a aujourd’hui beaucoup d’outils à disposition : si le process de base du design produit reste le même, les temps d’exécution se sont raccourcis, l’autonomie du designer a augmenté et il faut beaucoup moins de monde pour réaliser une tâche donnée. On peut donc aller de plus en plus loin dans la maturité du produit. J’estime, cependant, que l’on a actuellement atteint un plateau en termes de technologie et que les évolutions se feront à la marge. Petite remarque en passant : il faut bien veiller à ce que les moyens technologiques disponibles n’occultent pas la réelle complexité d’un produit porté à maturité.

Votre vision du design français ?
F.A. Je n’ai pas forcément une vision historisée du design. Cependant, j’observe que sur notre marché du produit il y a très peu de grosses agences françaises, contrairement à des pays comme l’Allemagne, l’Angleterre ou l’Autriche. Pourquoi ? Ce n’est certainement pas du fait que les designers français n’ont pas le niveau ou l’envie, mais il y a quelque chose qui coince au niveau de la demande. D’ailleurs j’en profite pour lancer un appel : si quelqu’un a une idée de pourquoi il n’y a pas en France plus de grosses agences de design produit, je suis preneur ! En même temps, il y a toute une génération de nouveaux designers produit qui ont une culture et des habitudes de consommation totalement assumées, qui savent prendre leur place dans les milieux industriels, qui ne rejettent absolument pas les autres métiers du design, ou, de manière générale, la chaîne de valeur de la conception d’un produit. Autre sujet qui me paraît intéressant, beaucoup de designers produit sont passionnés par les objets mais ont en parallèle un problème d’éthique vis-à-vis de la production de masse. Voilà un aspect qui va certainement peser sur l’évolution à la fois du design produit et de l’industrie. Globalement, je pense qu’il faut que le design français revendique sans aucun complexe sa contribution à la performance industrielle, commerciale et économique du produit. Et même s’il survient une contradiction entre performance et éthique, il faut pouvoir composer pour que le design français prenne toute sa place. Notre discours doit être clair. 

Un message pour terminer ?
E.B. Chez Outercraft nous sommes très demandeurs de contacts et d’échanges avec tous les professionnels de l’écosystème du design français et sommes prêts à partager sur nos expériences et savoir-faire. On ne travaille pas dans le secret !

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1159