Design génétique ?

Anthony van den Bossche, fondateur du site Reset Design Magazine, nous livre une réflexion passionnante sur… le design de la nature revue et corrigée par l’homme. Mais, est-ce du design ? Irions-nous jusque là ? Le chat hypoallergénique nouvellement créé serait donc du design ? Troublantes questions…

Au secours Anthony !

Design génétique

Design génétique ?

Biologistes, généticiens, botanistes, éleveurs et agriculteurs sont-ils des
designers comme les autres ? Si l’idée peut paraître extravagante ou choquante,
tant le design est associé à la conception d’objets fonctionnels plus ou moins
charismatiques, force est de constater que l’homme n’a pas attendu les OGM pour
manipuler la matière vivante à des fins fonctionnelles ou purement décoratives…

Chien pure race, carpes japonaises graphiques, lapin Orylag sélectionné au poil
plus doux que le vison, œillets bleus ou maïs transgénique résistant aux
insectes, autant d’organismes naturels qui n’existerait pas sans l’intervention
de l’homme.

L’idée peut paraître révoltante, mais elle est constitutive de notre rapport à
la nature. « Le statut d’objet de l’animal et son contrôle total résultent d’un
long processus d’artificialisation mené par l’homme qui a domestiqué des bêtes
pour le plaisir de les posséder et de les utiliser, qui les a peu à peu
transformées pour les adapter à l’évolution de ses besoins, qui les a mises à
son service de multiples manières » résume Eric Baratay dans son ouvrage
intitulé « Et l’homme créa l’animal ». L’exemple le plus créatif en la matière
est certainement le meilleur ami de l’homme. Comment du loup, avons nous créé
plus de 180 races de chiens domestiques de toutes tailles, formes, couleurs et
fonctions ?

Sélection, croisement, re-sélection des particularités intéressantes et
re-croisement pendant des millénaires au gré des besoins de l’époque : garde,
agrément, adaptation aux contraintes de la ville ou aux besoins de spectacle
comme le bull terrier créé en 1860 pour le simple plaisir du combat public
avant de devenir une race d’agrément au physique détonnant.
design génétique

La toute dernière race d’animal domestique « designé » par l’homme est un chat
hypoallergénique obtenu par la société Allerca grâce à la sélection génétique
artificielle classique en supprimant la protéine responsable des allergies
secrétée par la peau et les glandes salivaires. Allecrca a sélectionné sur
plusieurs générations les chatons dont les gènes exprimaient les protéines les
moins allergéniques pour les humains, et les ont laissés se reproduire entre
eux. Les premières livraisons de chats conçus pour asthmatiques auront lieu en
2007 pour environ 4000$. Un pur projet de design fonctionnel !
Et les exemples sont légions. A commencer par les animaux et végétaux nains.
Nature sucks

Dès
que l’homme aime quelque chose en grand, il lui faut l’admirer en plus petit. Le
rétrécir à force de patience comme le bonsaï ou à force de croisement
comme…comme tous ses animaux domestiques. Et puis il y a le domaine du pur
style. Les Carpes Koi japonaises sont assemblées entre elles pour le simple
plaisir de créer des motifs colorés qui évolueront dans un bassin comme un
véritable tableau vivant, le taureau de combat est sélectionné pour son
charisme et sa bravoure, les animaux de ferme triés selon leur qualité
gustative donnant lieu à des animaux si éloignés de leur ancêtres qu’ils
seraient incapable de se reconnaître entre eux.

On peut également manipulé la nature pour obtenir de nouveau matériau comme le
lapin Orylag sélectionné pour sa fourrure. L’Orylag est un « produit » français
conçu par deux chercheurs de l’Inra dans les années 80 (et seulment mis sur le
marché en 2000 après 15 ans de recherche) afin d’obtenir une fourrure
exceptionnelle encore plus douce que celle du vison (et d’ailleurs vendue au
même prix). Modèle protégé et souche génétqiue déposée, l’Orylag est élevé par
des éleveurs agrémentés qui paye un droit d’auteur sur la souche génétique de
cet animal rare bien avant que Monsanto mette au point son maïs fonctionnel et
payant qui résiste à certains insectes….
Design végétal

Et vous l’aurez deviné, dans cette cascade génétique antique où les espèces sont
tordues par la main de l’homme, les végétaux hybrides se compte par millions.
Fruits et légumes étalés sur nos marchés n’existaient pas il y deux mille ans.
Le melon de Cavaillon est par exemple le descendant obèse du melon sauvage
africain qui ne mesure pas plus de 5 cm de diamètre à l’état sauvage. Quant aux
fleurs et plantes d’ornements, c’est une créativité sans fin qui offre chaque
année de nouvelles couleurs ou de nouvelles capacités d’adaptation à nos
jardins en utilisant le bouturage et la sélection génétique. Et puis, il y a
les véritables OGM comme les œillets à coloration modifiée produit par la
société Florigène pour obtenir des bleus électriques improbables, mais
finalment moisn impressionnants qu’une simple orchidée, pure création de
l’homme, incapable de se reproduire elle même…

Alors que les fleuristes hollandais travaillent déjà avec des cabinets de style
comme Li Edelkoort pour mettre en avant certains coloris au gré des saisons, le
pas est très petit pour demander aux designers de concevoir directement de
nouvelles fleurs…

Une nature design comme horizon, ou comme origine ?

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