Designer…Ingénieur ? Artiste ?

Pas simple de définir le territoire de compétence d’un designer… Christian Guellerin l’éminent DG de l’Ecole de Design Atlantique de Nantes, donne son point de vue.
La vérité étant qu’un designer se doit d’être tout un monde à lui seul… ou tout au moins avoir la capacité de le comprendre et de lui être ouvert.
A lire…

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Designer : « et ingénieur et artiste » ?
Non, designer tout simplement.

Car s’il doit être ingénieur et artiste, pourquoi le designer ne serait il pas également sociologue, marketer, philosophe, anthropologue, ergonome…car certains projets nécessitent de l’être un peu. « Qui trop embrasse, mal étreint », alors laissons cela. Affirmer que le designer n’est qu’ingénieur et artiste, ce n’est que réduire le champ de ce qu’il pourrait revendiquer être par ailleurs, s’il devait absolument être autre chose que ce qu’il est.
Il me semble que nous aurions pu dire également : « Le designer n’est ni un ingénieur, ni un artiste », ce qui me paraît beaucoup plus vrai mais serait désastreux sur le plan de la communication. Ni ingénieur, ni artiste, c’est courir le risque de n’être rien du tout. Pour autant vraie, cette formulation n’est pas convenable non plus. On comprend préférer qu’il soit « et ingénieur et artiste ».

Néanmoins, nous connaissons des dizaines de designers qui ne sont pas ingénieurs, et qui n’ont nul besoin de l’être pour travailler à interpréter et à représenter les ruptures technologiques en scénarios d’usage. C’est bien parce qu’il faut sortir des références de l’ingénieur que le designer est pertinent. Qu’il doive comprendre la technologie est une évidence, qu’il travaille avec les ingénieurs est une obligation, qu’il interprète à sa façon ce que la science et la technologie lui permet l’oblige. Mais qu’il soit ingénieur, cela ne paraît pas fondamental. Qu’il le soit par ailleurs n’empêche en rien son travail de création, s ‘il sait faire la part des choses entre la pensée intuitive et scientifique et sait accommoder les deux. Mais affirmer que le designer est ou doit être un ingénieur, ce n’est pas vrai et l’affirmer est contreproductif au moment où le designer cherche sa place dans les directions stratégiques. A l’échelle des ingénieurs, le designer risque de faire pâle figure. Il est autre chose. Et c’est là sa qualité essentielle. C’est pour cela qu’il convient de le reconnaître.
Il en est de même pour ce qui de l’artiste. Rien n’empêche un designer d’être un artiste évidemment, mais exiger qu’il le soit, ce n’est pas promouvoir l’activité du designer ou la distinguer, c’est la réduire. Que Matali Crasset ou Ron Arad soient à bien des égards des artistes, c’est incontestable. Mais vouloir que le designer de blender le soit me paraît vain. C’est vouloir que l’Art soit partout. Vouloir qu’une poêle à frire même signée Tefal soit un objet d’art ne rend service ni à l’Art, ni au design, ni au designer. Laissons l’Art aux artistes, le design au designer.

La définition du métier de designer et de ses compétences est au cœur des préoccupations du Ministère de l’Industrie français qui réalise actuellement une étude afin de mieux référencer le métier dans les nomenclatures professionnelles. La participation des instituts de formation est évidemment déterminante.
Souhaitons que les travaux des institutions aboutissent à donner une définition résolument moderne du métier de designer, où l’on parle de techniques et de savoir faire spécifiques évidemment, mais aussi de compétences à manager, animer, partager, communiquer. Car là est aussi le métier de designer : mettre autour de la table des ingénieurs, des artistes mais aussi des marketers, des sociologues, des philosophes…et les faire travailler ensemble à demain. Et surtout n’être définitivement aucun de tous ceux là, sinon ce qu’il est : designer.

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