Un monde sans numérique ?

Le design d’aujourd’hui est un utilisateur sans limite du numérique. Et tout cela s’est fait si rapidement ; toute notre filière professionnelle en a été bouleversée : des métiers ont subitement disparu d’autres sont apparus…
Est-ce que ce mouvement va ralentir ? Quelles sont les menaces, car elles existent bien, quelles sont les espoirs ?
Le prospectiviste Armand Braun, délivre pour Admirable Design quelques unes de ses brillantes réflexions.
Lisez sans modération, c’est un cadeau !

admirable_design_numerique-world.jpgLe rythme d’innovations va-t-il ralentir ?
Depuis quarante ans, tant d’innovations sont intervenues dans le domaine des technologies de communication : semi-conducteurs, ordinateurs, Internet … ! On aurait pu croire qu’ensuite notre époque serait surtout consacrée à leur assimilation. Tel n’est pas du tout le cas. En fait, avec toutes ces innovations récentes est apparue une catégorie sui generis : les acteurs du numérique. Et nous savons maintenant que ce processus va continuer à se déployer, dans des conditions que nul ne peut décrire. L’humanité tout entière – personnes et institutions – est concernée.
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Que signifie ce phénomène sans précédent historique ?
Nous avons tous considéré l’arrivée des acteurs du numérique comme une formidable aubaine : grâce à eux, un champ immense, insoupçonné jusque-là, s’ouvrait à l’intelligence, à la créativité, à l’initiative de chacun. Et lorsqu’on évoque l’éventualité de s’en passer, la réponse universelle est : « ce serait le retour à l’âge de pierre ».
(NDLR : imaginons le design sans le numérique…).
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Les acteurs du numérique se savent tout puissants.
Ils se savent aussi fragiles à cause de la rapide succession des technologies et de l’intensité de la concurrence. Les procédures que les Etats multiplient à leur encontre peuvent, elles aussi, les mettre en danger (cf. l’enquête de l’Union Européenne, celles qui sont en cours dans chaque pays d’Europe et aux Etats-Unis). Enfin, les Etats affirment leur détermination à réguler le numérique et sont impatients de les taxer.
Ce combat de géants peut dégénérer. Dans l’immédiat, ce sont les citoyens qui en font les frais, avec d’une part la propension des acteurs du numérique à tirer profit des informations qu’ils détiennent sur leurs usagers, d’autre part celle des acteurs publics à les surveiller et à instrumentaliser, au nom des bons sentiments, des principes moraux à leur encontre (les « lanceurs d’alerte »).

Vers une régulation globale ?
Les acteurs du numérique aspirent à une régulation globale et n’admettent pas que leur soient imposées des limitations territoriales. Ils perçoivent que c’est à eux que va l’appui des opinions publiques. N’oublions pas que des nations moins démocratiques que les nôtres (la Chine, la Russie…) se sont déjà assuré le contrôle du numérique pour rester seules maîtres chez elles en contrôlant l’information. Des mesures qui paraissent raisonnables en temps de démocratie peuvent être détournées ensuite par des régimes totalitaires ; il y a des précédents.
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Mais demain ?
Alors que nous aveuglent les certitudes respectives et opposées des défenseurs du numérique et des dirigeants politiques et administratifs, adoptons ce que Claude Lévi-Strauss appelait « le regard éloigné ». Leur conflit est latéral vis-à-vis des véritables enjeux de notre époque : celle-ci nous impose et nous donne la chance de tout réinventer. La société civile est en dehors de ce débat, dont les conséquences peuvent impacter le cœur même de l’idée démocratique. Elle doit pouvoir compter à la fois sur les collectivités publiques et les opérateurs du numérique pour servir effectivement la liberté et la créativité, pour faire respecter les règles qui encadrent et promeuvent l’usage universel du numérique. C’est en effet de la société civile que viendra – que vient déjà – le sens du mouvement qui écartera les menaces et élèvera le niveau de la civilisation.
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