Au parfum, le design ?

La Parfumerie de niche aime à se présenter comme un royaume d’émotion et de création. Pourtant, en termes de codes visuels, il a longtemps semblé que luxe, calme et volupté avaient choisi de bannir quelque peu Dame Créativité.

De nouveaux intervenants viennent aujourd’hui jouer les troublions en faisant le pari de la rupture.

L’occasion pour Admirable Design de faire le point avec Olivier Raymond, de la toute jeune agence Bayadères avec cet article bien documenté…

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Péchés capiteux…

La Parfumerie de niche telle que nous la connaissons aujourd’hui trouve ses origines dans la démocratisation du marché du parfum que la France et les pays Occidentaux ont connue au début des années 1980. En réaction à la prise de pouvoir des cellules marketing dans la plupart des grandes maisons, de nombreux nez et artistes-parfumeurs ont souhaité rendre au parfum ses lettres de noblesses en créant des jus dont la composition ne serait plus uniquement dictée par des résultats de tests consommateurs et des objectifs commerciaux.

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Annick Goutal ouvre la voix avec un univers de codes relativement opulents et baroques proches de ce que pouvaient imaginer d’anciennes maisons telles que l’Artisan Parfumeur, Maître Parfumeur et Gantier, Creed, Clive Christian ou encore Acqua di Parma.

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Mais c’est Serge Lutens, alors célèbre pour avoir révolutionné l’image de Shiseido, qui va très vite véritablement instaurer les codes de ce nouvel univers avec la création des Salons du Palais-Royal. Un univers hors du temps et hors du monde. Un univers non-disant, un univers du Mystère et du Secret, réservé à quelques initiés. L’or cède la place au noir, au blanc, à l’argent et au gris. Sobriété, élégance, intemporalité et distance deviennent alors les signes exclusifs de cette « Haute Parfumerie ». Frédéric Malle, Diptyque, Jo Malone, Miller Harris , The Different Company ou encore la Parfumerie Générale sont les figures emblématiques de ce monde privilégié.

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Un tel marché semblait donc bien préparé à aborder le début de nos années 2000 et surtout à séduire leurs nouvelles générations…

Pourtant, l’uniformité des codes visuels que proposaient ces marques d’exception freinaient nombre d’acheteurs et d’acheteuses potentiels incapables de s’identifier à ce type d’univers au classicisme assumé.

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Une lacune que n’ont pas tardé à combler de nouvelles générations de créateurs en misant sur le levier du design pour réussir à s’imposer sur ce marché très fermé. Qu’ils soient issus du monde de la mode (Comme des Garçons, Viktor & Rolf, Armani avec sa ligne Privé, …) ou simplement de celui du parfum (Etat Libre d’Orange, Escentric Molecules, le Labo, I Hate Perfume, Bond n°9, Humiecki and Graef , Juliette has a Gun, Six Scents, Honoré des Prés, …) ils n’ont pas hésité à jouer des codes capables d’exprimer leur vision moderne, fraîche et impertinente de la parfumerie.

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Une véritable ‘revoluxion’ donc qui commence aujourd’hui à s’étendre au marché de masse et à ses réseaux spécialisés. Ces derniers, en quête constante de valorisation, sont désormais demandeurs d’offres premium originales leur permettant de contrer plus facilement la récente montée de réseaux généralistes qui s’appuient notamment sur des parfums de stars de plus en plus aboutis mais toujours à prix mini.

Pour exemple, les parfums Ed Hardy et Harajuku Lovers sont respectivement proposés en exclusivité chez Sephora et Marionnaud pour mieux séduire des cibles jeunes en quête de glamour gentiment rebelle. Marionnaud toujours a pour sa part également choisi de distribuer les Kapsules de Lagerfeld ou encore la nouvelle ligne EGOFACTO. Deux choix qui traduisent la volonté de l’enseigne de ‘renouer’ peu à peu avec l’univers de la haute parfumerie.

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Deux propositions qui ont, face aux offres masstiges des grandes maisons (dont la communication, les flacons et les packagings peinent souvent à se renouveler), la volonté d’offrir à une échelle grand public une vision neuve, plus accessible et plus actuelle de la parfumerie de niche, du moins en termes de codes visuels

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Parfums aux noms étonnants (Fool for Love, Piège à Filles, Jamais le Dimanche, …) , visuels revisitant avec humour et légèreté le thème de la séduction tout en s’inscrivant en rupture avec les codes de communications traditionnels du secteur, flacons standards mais customisés de façon ingénieuse au moyen de bouchons en cristal et de médailles polis à la main permettant à la marque de rester dans une tranche de prix accessibles, boîtiers écrins révélant différents secrets, …

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Des phénomènes de démocratisation que l’on retrouve aussi à l’étranger puisque des marques comme Sula ou Les Ettes (avec ses contenants eco-friendly et réutilisables) proposent à des prix abordables et dans un registre un peu plus pop des collections de fragrances alternatives.

Une véritable révolution donc qui va certainement pousser les principaux acteurs des marchés de masse et de niche à s’interroger sur leur offre mais surtout sur les codes de leurs marques et sur leurs possibles évolutions.

Comment revaloriser une marque de niche, comment renouer avec l’exceptionnel, comment justifier une différence de prix lorsque les réseaux grand public investissent ce segment ?

Comment également faire évoluer une marque iconique et patrimoniale quand son environnement concurrentiel direct mute de façon durable ?

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