Les grandes causes et ceux qui en profitent.

C’est bien quand les marques défendent les bonnes causes, non ? Mais que penser quand les grands causes humanitaires… défendent les grandes marques ? Surtout quand la sauce nous est présentée de façon à ce que l’on ne se rendent compte de rien…

Jean Perret, qui a l’œil exercé du designer, a cru voir une manip bien subtile, où l’ombre de Nike n’était pas loin.

Suivez le détective Jean !

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Lundi cinq février, après mes cours à l’Esag, j’attends mon bus, boulevard St. Germain. C’est son point de départ. En général il y en a toujours un qui attend les clients, mais aujourd’hui il n’est pas là et j’ai donc le temps de m’acheter de quoi lire, au kiosque voisin.

Depuis quelques mois, je ne sais plus quel journal acheter le matin. Je prends donc régulièrement le Nouvel Obs, souvent le Courrier International et quelques fois Marianne. J’adore J.F. Kahn depuis longtemps, mais surtout depuis ces regrettés débats du samedi matin sur Europ’Un. Va pour Marianne. Je m’installe et commence à feuilleter mon magazine. Je m’arrête tout de suite sur une demi-page consacrée à une grande cause défendue par Thierry Henry. Je suis vaguement au courant, car quelques jours avant, en zappant sur ma télé, j’ai vu le même Thierry Henry, en costume, exposer sa cause au journal de vingt heures de Claire Chazal. Il l’a fait sobrement, sans émotion débordante, mais c’est son genre et c’est plutôt sympathique. La cause est importante et mérite bien d’être défendue.

Depuis quelques années, le racisme a envahi les gradins. Le phénomène a commencé en Angleterre avec l’arrivée massive de joueurs de couleur, ce qui est récent à l’échelle du temps footballistique. Chaque action de jeux importante, menée par un joueur de couleur, est sifflée. Les insultes fusent et ce qui est plus dangereux, des objets, bouteilles, canettes, sont jetées sur la pelouse avec l’évidente envie d’atteindre l’un d’eux.

Ce phénomène n’a pas tardé a envahir nos stades à commencer par le Stade des Princes à l’occasion de grandes rencontres comme celle du Paris Saint-Germain contre Marseille. Ces clubs ont toujours eu des supporters bruyants prêts à défendre du poing l’honneur de la ville. C’était déjà insupportable, mais cela a changé de nature pour devenir prétexte à exprimer un racisme ignoble hurlé par ces bandes constituées de plus en plus d’individus.

Il est donc temps d’appeler un chat, un chat et de dénoncer ces pratiques. C’est donc avec bienveillance que je regarde Thierry Henry ce soir-là, d’autant que l’homme est agréable, qu’on le sent non violent, ni dans la voix ni dans le geste. Parfait ambassadeur. Il porte au poignet un bracelet fait de l’entrelacement d’un anneau blanc et d’un anneau noir. C’est beau, c’est clair et c’est fort. C’est plus efficace qu’un long discours et j’espère, mais j’en suis certain, que ce bracelet sera porté par beaucoup, beaucoup de monde, des jeunes, mais aussi des moins jeunes.

Décidément, c’est trop bien. Pris d’un doute, je regarde mieux ces visuels. J’avais bien vu le logo de Nike sur le survêt’ noir, mais je l’avais excusé me disant qu’ils n’allaient pas retoucher la photo pour ce qui n’était qu’une coïncidence. Ce sportif est chez Nike et si cela avait été un autre de chez Addidas nous aurions eu le logo d’Addidas.

Mais à bien regarder, il y a aussi un logo Nike en signature, en bas à gauche, sur le panneau. Là ce ne peut plus être une coïncidence. Y’a du Nike là-dessous, alors ça change tout ! À commencer par l’attitude de Thierry Henry chez Claire Chazal. Sa réserve dans le ton et le geste s’explique non pas par l’émotion contenue, mais par le fait qu’il est en mission commandée. Je ne doute pas de sa sincérité, le problème existe, mais ce n’est plus de son initiative. Et cette déclinaison en pages publicitaires…

Vulgaire pub ou vrai message d’information ?
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Le visuel étant très petit, je n’ai pas remarqué ce que je suppose être le signe de Nike. Il est bien évident que sa présence change la nature du message comme on peut s’en convaincre en comparant ces deux visuels. D’autant que nous sommes en terrain connus.

Tous les sportifs, dont je ne suis pas, connaissent la marque et les pages publicitaires de Nike. Même construction, même opposition du noir ou du sombre très peu coloré, à la page blanche avec un titre simple et fort. On peut donc supposer que l’amalgame de la marque et de la cause sera maximum. Et si avec ça, la presse sutien la cause sans voir la marque, c’est gagné.
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Comment transformer un objet innocent en image subliminale de la marque Nike.

Mais ce qui me rend le plus admiratif, c’est la création de ce bracelet qui, quel que soit l’angle regardé, évoque doublement et toujours le signe de Nike. Aurait-on voulu nourrir la marque, donner un sens à ce signe qui n’en a d’autre que d’être reproduit à des milliards de fois (n’en déplaise au marketing et ses pauvres petites histoires) que l’on ne s’y serait pas pris autrement. Mais alors quel gogo je suis ! Il est vrai, je ne suis pas seul, Claire Chazal l’est aussi, quoique TF1… Mais Marianne ne peut pas l’avoir décrypté, non pas le journal de J.F. Khan ou alors à qui ce fier aujourd’hui ?