Logic Design : un regard sur le métier …

Voilà une agence fondée en 1988 par deux designers de 21 ans ! Quinze années plus tard elle réunit 32 collaborateurs autour des deux fondateurs Jérôme Lanoy et Senda Paruta, avec des marques comme Herta, Monoprix, Yoplait. Et si l’on demandait à Jérôme ce qu’il pense du marché, du métier, des jeunes designers ? Histoire de donner la parole à ceux qui comptent dans la profession et que l’on entend peu…

herta300w.jpg

Gérard Caron : En tant que jeune patron d’agence, avec pourtant une longue expérience, comment analysez-vous le marché du design ?

Jérôme Lanoy : A mes yeux deux dynamiques s’opposent. L’une est positive et l’autre est négative.
Commençons par la posiitve : j’observe que les sociétés aujourd’hui commencent à comprendre ce que représente une approche globale pour une marque. On en est plus aux coups par coups. Ce phénomène se retrouve dans les relations avec les fournisseurs que sont les agences mais aussi à l’intérieur même des entreprises ! Ainsi Knaki Balls d’Herta est l’aboutissement d’une prise de conscience en interne qui a duré deux années : vendre du « fun » plus que de la saucisse. Le design était déjà au départ dans le concept du produit lui-même !

GC : Connaissez-vous les causes cette prise de conscience ?

JL :

Le professionnalisme des agences est aujourd’hui plus grand qu’avant ! Je vois aussi l’influence des sociétés d’aide à l’innovation qui font la jonction entre le design et la marque ; sans oublier le rôle des agences de publicité qui ont enfin découvert la notion de « territoire de marque »…

GC : Venons-en Jérôme à ce que vous regrettez, quant à l’évolution négative de ce marché, à la face cachée du métier

JL :

C’est un aspect négatif qui a en fait plusieurs facettes : je regrette que les directeurs généraux ne s’impliquent plus suffisamment dans les projets, nous laissant seuls face à des jeunes chefs de produits qui manquent d’expérience et de culture de la marque par définition. C’est particulièrement flagrant pour les grands groupes mondiaux où l’on voit débouler des décisions qui viennent de nul part ; mystère des nouvelles chaînes de décisions.

A ce niveau là tous les coups sont permis tous les changements de cap sont possibles sans avoir à se justifier ! Une bonne démarche de design doit impliquer directement et régulièrement les décideurs .

Peut-être est-ce dû à une situation économique tendue, à la pression des plannings…
meccano300w.jpg

GC : Quelle est l’attitude de Logic Design face aux compétions gratuites ?

JL :

C’est n’importe quoi ! Comment faire respecter notre métier quand on voit des agences (dont certaines aux noms prestigieux)casser les prix ou dire « prenez-nous en compétition, vous ne risquez rien ! ».
Pour nous, tout travail mérite une reconnaissance, même s’il n’est pas rétribué à sa valeur.

Une compétition annoncée comme gratuite, en réalité peut souvent être négociée …2000 à 4 000 €. C’est peu mais cela couvre quelques frais !

GC :Aux yeux de ses confères étrangers, le marketing français vis à vis de ses fournisseur, ne bénéficie pas d’une haute estime : arrogance, professionnalisme mis en cause, éthique bafouée, etc. Quelle est votre appréciation ?

JL :

On a l’impression que tout « leur » est dû. Beaucoup de responsables marketing sont capricieux, changent d’avis sans prendre la peine de vous prévenir ou de s’excuser. Certains se comportent avec leur fournisseurs en design comme ils n’oseraient pas se comporter avec leur personnel de ménage. S’en rendent-ils comptent ?

Par exemple comment ne peut-on pas respecter ses engagements sous prétexte que nous sommes des fournisseurs ! ? Pour ces raisons je pense qu’il faut respecter une certaine « distance de respect » et je travaille beaucoup à expliquer cela à mes partenaires en marketing. Heureusement que pour certains tout se passe parfaitement bien…

GC :Vous recevez de nombreuses candidatures des jeunes diplômés des écoles de design. Sont-ils différents de leurs prédécesseurs ?

 JL :

Globalement je les trouve peu appliqués et peu impliqués dans nos métiers du design graphique. Il fut un temps où on voulait créer des pots de yaourts, des cosmétiques ou aller chez Desgrippes ou dans votre agence Carré Noir…

 Ceci dit, après l’éfondrement du web design on y revient un peu. Mais sont-ce les meilleurs que nous attirons ? Pas sûr…

GC :Pour conclure, une question plus perso : qu’aime et déteste Jérôme Lanoy dans notre métier ?

JL :

J’adore le moment où d’un seul coup émerge l’idée que l’équipe cherchait pour une marque. On sent que c’est ça ! Moment magique.

Quant à ce qui m’attriste le plus c’est de me retrouver face à des gens qui ne respectent pas le travail du designer. J’ai alors des noeuds dans l’estomac !