Playlists : hommes ou machines ?

Chacun peut consommer sans limite de la musique en streaming ou en playllist. Mais qui est derrière les sélections et recommandations ? Machines (algorithmes) ou hommes (experts) ?
Nicolas Duperron (agence de design sonore Chutonvousécoute) nous livre un second article sur les innovations dans le domaine musical.
Instructif et de plus, c’est un avis d’expert !

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Le débat de l’homme contre la machine

A contre-courant de ce débat dichotomique, Spotify défend un mélange de curation humaine et algorithmique pour créer la meilleure playlist possible.
Pour accomplir ce dessein, Spotify a fait l’acquisition du laboratoire The Echo Nest, l’un des leaders dans l’analyse de données et la recommandation musicale. Les salariés analysent à la fois le contenu de la musique, la culture mais aussi les informations relatives à la musique et au comportement des auditeurs. Avec toutes ces données, Spotify tente de proposer les morceaux les plus adaptés à chaque utilisateur et d’anticiper ses envies musicales.admirable_design_echo-nest.jpg
Avec un système de recommandation qui repose à la fois sur des algorithmes éprouvés, une intégration efficace des réseaux sociaux mais aussi sur des équipes de curateurs et des partenaires professionnels de l’industrie du disque, Deezer et Spotify apparaissent comme les acteurs dotés des systèmes de suggestions les plus aboutis.
Cette stratégie confirme l’opinion du PDG de The Echo Nest selon laquelle les algorithmes de recommandation ne s’opposent pas à l’expertise des musiciens. Selon lui, seul le mix entre analyse approfondie des données et l’expertise de spécialistes de la musique permet la création de playlists de qualité. Un avis partagé par Jimmy Lovine d’Apple Music qui assure de la nécessité d’humaniser le processus de curation en arguant que la création de playlists est un art.
La théorie de la « bulle de filtres » d’Eli Pariser va également dans ce sens. Celle-ci explique que la sélection algorithmique d’informations nous place dans une bulle de filtres, un univers personnel d’informations, qui tend à soutenir et confirmer ce que nous croyons déjà au détriment de la découverte. Ce système qui récompense les morceaux aimés par le plus grand nombre en les plaçant en haut des suggestions ne contribue pas à la découverte musicale et incite à une standardisation des goûts. Les playlists créées sur la base du comportement de l’utilisateur sont souvent prévisibles et mènent aux mêmes affres répétitives des radios commerciales.
Ainsi, même si elle tend à se perfectionner, la curation algorithmique demeure aujourd’hui encore un complément à la sélection humaine.
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Eli Pariser
La curation des influences
A rebours du recours aux algorithmes, la curation des influenceurs se structure sur certaines plateformes qui affichent une stratégie du « fait main ». C’est le parti pris de 22tracks, Fnac Jukebox, Apple Music, Soundsgood ou encore Tidal.
Des playlists sont ainsi créées par des équipes de curateurs professionnels recrutées en interne (DJs, programmateurs radio, anciens de l’industrie du disque…) mais aussi via des partenariats avec des magazines spécialisés, des labels, des artistes etc. Dernier de ses avatars, le curator est ainsi chargé de trouver, sélectionner, agréger et republier la musique vers les communautés d’auditeurs en ligne.admirable_design_soundsgood.jpg
Parmi ces plateformes, Soundsgood tire son épingle du jeu en rassemblant les curateurs et leur proposant un moyen simple de créer, d’éditorialiser et de diffuser des playlists. L’un de ses créateurs, Josquin Farge, décrit comme suit les mérites de son service :
« La playlist, c’est le nouveau CD, la nouvelle radio. C’est ce nouveau format qui, à l’ère du streaming, va recréer une vraie expérience musicale : elle a un début, une fin, elle est tangible, stockable, réécoutable et souvent, elle a été faite par quelqu’un qui raconte une histoire à travers elle ».
(Joaquin Farge, fondateur de Soundsgood )
Soundsgood recense ainsi les playlists d’artistes, de lieux culturels, de médias comme Les Inrocks ou Virgin Radio, d’experts de l’industrie musicale mais aussi de marques comme Celio, Sonia Rykiel ou encore Kusmi Tea.
Se dessine ainsi une tendance accrue des marques à la diffusion de playlists comme levier de communication et de promotion de leur univers. Celles-ci font alors appel à des curateurs pour définir leur identité musicale et proposer un contenu pertinent sous forme de playlists brandées.
À suivre…

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