AXA : un design assuré

Éric Hetroy, responsable du design chez AXA France, nous retrace son parcours, nous parle de son poste, de ses actions ainsi que de la place du design chez AXA, et au-delà

Éric Hetroy, pourriez-vous présenter ?
É.H. Mon parcours est un peu atypique, mais comme beaucoup dans la profession. J’ai démarré par un cursus universitaire avec un Master 2 dans la communication et l’information. Puis au début des années 2000, je me suis dirigé vers la conception et la réalisation multimédia, domaine où le digital prenait une place importante. J’étais étudiant en province et je suis monté à Paris comme webdesigner dans des agences 360°, et ensuite dans des entreprises comme Orange ou SFR, puis des cabinets de conseil, IBM et EY, pour voir comment le design pouvait alimenter les stratégies d’entreprise. De ce fait, de webdesigner, je suis devenu designer par l’apprentissage sur le terrain, car j’étais plutôt au départ DA et concepteur multimédia. Pour moi, il a toujours été primordial de comprendre les gens et leurs besoins avant de leur proposer quelque chose. Je me positionne donc comme designer global qui raisonne finalité et non moyens, le digital étant un levier parmi d’autres. Disons que ma vision est davantage systémique que linéaire. Enfin, dernière partie de ce cycle, j’ai voulu plonger en interne, d’abord chez Believe, puis chez AXA. Et cela fait trois ans maintenant. 

Quel est votre rôle chez AXA ?
É.H. Précisons au préalable que rien ne me prédisposait à travailler dans le monde de l’assurance, car mon profil est plutôt celui d’un créatif dans les phases très amont, même si j’avais touché au monde bancaire lors de mon expérience dans le conseil. Ce qui m’a intéressé chez AXA, ce sont les enjeux de transformation par le design, et notamment la transformation digitale, même si le terme parait aujourd’hui un peu galvaudé. C’est très intéressant de réfléchir à la raison d’être d’AXA dans le digital, de regarder comment faire évoluer le mindset user centric au sein de l’entreprise. Pour ce qui concerne ma fonction, je suis responsable du design pour le marché français pour lequel AXA France a créé une digital factory qui regroupe tous les aspects digitaux ainsi que ce qui touche au client et à la Tech. Cette digital factory est rattachée à la Direction de la transformation et de la technologie, mais aussi à la Direction client. Je traite beaucoup de thématiques, car le design agit de façon transversale sur un nombre important de problématiques. Ainsi, le design intervient en matière de BtoC pour tout ce qui est utilisé par le client final, mais aussi en BtoB, c’est-à-dire pour tous ceux qui vendent et distribuent nos produits (ndlr : courtiers, etc.). L’équipe design comprend une quarantaine de personnes et une partie de mon rôle est de diriger la diriger et de piloter les projets avec mes trois design managers. Au-delà, je contribue à la réflexion concernant l’évolution du design chez AXA France, mais aussi dans d’autres pays. Au départ, l’équipe design était très orientée UX, mais on l’a fait évoluer dans une démarche plus globale et moins focus sur le delivery, dans le but de faire travailler tous les métiers ensemble : acculturation, définition de certaines méthodes, alignement. Pour résumer : je travaille plus sur des sujets de transformation par le design que sur des sujets opérationnels. Le change management par le design est une démarche qui pour moi est très importante. 

Quel est l’apport du design dans une entreprise comme AXA ? 
É.H. Aujourd’hui, le design est connu et implémenté chez AXA, ce qui est très positif. L’état des lieux est bon. Là où on doit cranter et progresser c’est pour élargir le scope du design : repositionner le design au-delà d’une expertise réservée aux designers. Dans le bon sens et en respectant les fondamentaux du design, toute l’entreprise doit devenir design centric. La projection que je souhaite initier est de partager ce bon sens design dans toute l’entreprise, même si la première pierre concerne le digital. Il s’agit d’aborder les sujets de façon moins linéaire et plus collaborative grâce au levier design.

Comment voyez-vous évoluer la profession ?
É.H. Je de nature positive, mais je suis quand même partagé sur le sujet. Il y a à la fois beaucoup d’écueils et d’opportunités. Ainsi l’IA est une opportunité pour les designers pour automatiser des tâches à faible valeur ajoutée au profit d’une réflexion fine sur les phases amont. Mais a-t-on vraiment envie de se saisir de cette opportunité ? Parce que, de façon générale, c’est très compliqué pour les designers d’embarquer les entreprises sur la valeur du design. Et puis les designers eux-mêmes se tirent parfois une balle dans le pied : par exemple, j’aime bien faire de la veille et regarder ce qui dit sur les design au travers des réseaux sociaux.  Eh bien, je suis surpris de la place centrale que prend le logiciel. Je suis contre un design porté par les outils, mais évidemment pour un design avec des outils qui le déchargent de tâches sans valeur ajoutée. Ce qui m’intéresse aussi est l’aspect sociétal du design pour alerter sur les conséquences de ce que l’on fait collectivement. On est dans un moment crucial : l’IA et le digital sont par exemple de très gros consommateurs d’énergie. Nous avons une place à prendre pour alerter quand nécessaire. 

Un message pour terminer ?
É.H. J’ai tendance à penser que le pire ennemi du design est souvent le designer. On a en effet du mal à s’appliquer les règles que l’on veut appliquer aux autres. Le design est une base évolutive, une sorte d’organisme vivant qui doit s’ouvrir à l’extérieur et ne surtout pas être réservée aux professionnels de la profession. Plus on communique ce que l’on fait, plus on est efficace et plus on embarque les différentes parties prenantes. 

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1340