Think+ : penser écoconception

Vincent Collet, fondateur de Think+, agence d’éco-innovation, revendique l’écoconception comme étant une démarche très opérationnelle et également comme une composante essentielle du design. 

Vincent Collet, pourriez-vous présenter ?
V.C. Je suis ingénieur en génie industriel de l’environnement. C’est un format qui permet d’aborder l’ensemble des sciences de l’environnement. Je me suis spécialisé en gestion des déchets et en écoconception. J’ai commencé par travailler en bureau d’études de gestion des déchets pendant deux ans, puis j’ai été conseiller environnement à la CCI des Landes pour sensibiliser les entreprises en matière d’environnement, en m’appuyant sur une première ébauche de démarche d’écoconception que j’ai développée avec Christophe Robin. Notons qu’il y avait très peu de données à l’époque (ndlr : nous parlons ici des années 2010). Ensuite, je suis parti au Canada pendant un peu plus de deux ans pour prendre la responsabilité de l’éco-innovation à l’Institut de développement de produits (IDP), association d’industriels qui regroupe les meilleures pratiques sur le territoire québécois en gestion de l’innovation, développement de produits et écoconception. J’y ai appris les méthodes connexes liées à l’éco-innovation et j’ai pu également y développer mes connaissances sur design et design thinking. Mon job consistait à regarder tous ces processus pour mieux les intégrer pour mieux préserver l’environnement. Enfin, en 2015 je reviens en France et je crée Think+.

Comment définir Think+ ?
V.C. L’objectif de Think+ était de montrer que l’écoconception est une démarche opérationnelle qui constitue un facteur de différenciation pour les entreprises. Nous sommes toujours sur ce positionnement. Cela suppose une volonté de faire pour les entreprises et avec les entreprises pour bien démontrer que l’écoconception n’a rien de théorique. On a bien sûr évolué depuis les débuts : nous sommes aujourd’hui sept personnes (cinq à Saint-Jean-de-Luz et deux à Lorient où les locaux ont été ouverts il y trois semaines). Cette double présence nous permet de couvrir les arcs atlantique et pyrénéen. On a également une filiale au Québec, à Montréal, du fait de liens que j’ai gardés là-bas. Et depuis fin août, on a créé un partenariat avec ALTO Design pour développer une offre commune, ce qui va permettre d’accélérer notre implantation à Montréal : on leur apporte notre expertise environnementale et eux nous apporte leur expertise design, ce qui permet à chacun des partenaires d’évoluer au bénéfice des projets. C’est un mode de fonctionnement très organique : chacun vient aider l’autre dès que besoin. De façon générale Think+ se développe via des hubs régionaux afin d’être au plus proche de ses clients et conserver un bon niveau d’opérationnalité. Je pense que dans cinq ans on devrait être une quinzaine, mais je freine sur le développement, car je veux être certain de garder une expertise pointue : on est plutôt haute couture que grande distribution. Et pour être opérationnel, il faut être très pointu.

Comment voyez-vous évoluer votre activité ?
V.C. On est là pour lier des projets au prisme environnemental. On est des experts en stratégie et en innovation, le tout étant porté par l’écoconception. On est conseiller de confiance de nos clients. Tout le monde veut aller dans l’écoconception, sachant qu’il y a deux façons d’y aller : en se contentant de répondre à des demandes réglementaires, et là on est plus sur une réponse d’ingénieur, autrement dit il y a un problème et on y répond. L’autre façon est de regarder comment l’environnement peut aider à travailler autrement. On est peu à agir selon cet axe et cela suppose une expertise très pointue que tout le monde ne pourra pas avoir. Ma chance est que j’ai vu les prémisses de cette démarche 2005 et que j’ai pu acquérir toutes les strates progressivement. Beaucoup de gens veulent désormais s’installer sur ce créneau de l’écoconception, et beaucoup pensent que l’environnement est une donnée statique,  ce qui est totalement faux. Les données évoluent en permanence et les problématiques se succèdent presque à l’infini. Notre monde s’est développé sur l’économie en oubliant toutes les autres valeurs. Et soyons francs :  l’environnement est l’une des dernières valeurs à laquelle on s’intéresse. Et dans le meilleur des cas, on renvoie la responsabilité aux politiques, sans jamais se remettre en question. Il y a une autre perception du confort à avoir et c’est cela que l’on essaie d’inculquer. Point positif : souvent, quand les plus réticents sont convaincus, ils deviennent alors nos meilleurs ambassadeurs.

Un message pour terminer ?
V.C. Ne pas s’arrêter aux préjugés. On limite en général l’écoconception au fait qu’elle constitue une économie, alors qu’elle constitue une logique systémique face à la polycrise. Dans cette optique, l’écoconception est une composante essentielle du design, démarche à la vision globale. Cela dit, chacun son domaine : nous on trace la route et le designer conçoit. On se challenge mutuellement.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1342