Mangas : design ou fait de société ?

Le phénomène manga est beaucoup plus qu’un simple fait d’édition. Cinéma, littérature, mode, style de vie et… design en sont aujourd’hui les vecteurs.

Gérard Caron qui a fêté à Tokyo son 90ème voyage au Japon en janvier nous donne son avis sur un phénomène qui est plus qu’un phénomène de mode. Comment interprète-t-il l’explosion manga qui touche aussi notre continent ?

La France étant le premier consommateur de mangas au monde après … le Japon !

Les lecteurs de mangas en France, n’ont qu’une vue partielle et modérée du phénomène dans son pays d’origine, le Japon, car bon nombre de créations les plus radicales -par le contenu et le graphisme- ne sont pas (encore ?) commercialisées ici.
Voir des businessmen lisant des mangas dans le métro de Tokyo surprend toujours les Occidentaux, même si ce phénomène s’est considérablement atténué ces dernières années.
Comment expliquer cet attachement à l’image, bien particulier au Japon ? Ne parlons pas ici des touristes et de leurs appareils photos…

Jamais je n’ai pu obtenir une explication réellement convaincante.
J’ai pu pourtant poser la question à des professeurs, des universitaires, et même des historiens du pays. Autant d’individus interrogé, autant de réponses…

La tradition des estampes, souvent caricaturales, des bd avant l’heure…

La tradition des masques du théatre no…

le glorieux passé violent et viril des shoguns et samouraïs…

La fascination qu’exercent les formes de narration illustrées, les concepts n’étant pas le fort de cette culture…

etc.

J’ai entendu toutes ces hypothèses émanant des Japonais eux-mêmes !

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Admettons que cela relève d’une certaine tradition japonaise qui peut expliquer l’attirance pour la représentation des actes de violence, faiblement représentés dans les éditions étrangères qui va jusqu’au sadisme ; ce qui étonne dans les rues des villes si policées par ailleurs
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Peut-être a-t-on besoin d’espace de liberté pour défouler ses pulsions les plus agressives, dans une société qui met en valeur l’harmonie, le conscensus et le respect de la hierarchie…

L’explication à mes yeux reste partielle, car ce titre on devrait voir fleurir les mangas dans d’autres pays. Or, il n’en est rien.

Certes les bandes dessinées américaines de la grande époque de Spiderman et Batman, présentaient la violence mais en situation dans un monde où la moral au final toujours vainqueur. Il n’en est rien dans de très nombreuses mangas commercialisées au Japon, où le sadisme, le masochisme, le viol, l’homosexualité, la pédophilie sont représentés avec force et…talent reconnaissons-le.

Enfin n’oublions pas la dimension surréaliste, extraordinaire, cosmique, délirante des nombreux héros de mangas. Des sortes de samouraïs invincibles.Cela pourrait traduire là encore, une nécessité d’évasion de ces insulaires qui vivent sous la menace permanente de tremblements de terre, de volcans actifs, de typhons ? Au Japon, on s’attend à voir Tokyo disparaître sous les cendres du Fujisan. Imagine-on Paris sous la menace permanente d’une destruction ? Auquel cas, nos héros seraient-ils les mêmes ?

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Alors ne nous étonnons pas de voir dans le métro des hommes d’affaire en costumes trois pièces lire sérieusement leurs gros livres de manga au papier économique.

Ne nous étonnons pas de voir l’avènement d’une nouvelle génération de Japonais qui imite dans leurs look leurs héros préférés ou qui s’habille manga.

 Et ne nous étonnons pas de trouver sur les linéaires des packagings manga de plus en plus fréquemment.

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Quant un phénomène graphique rencontre aussi intimememnt la mentalité d’une population, c’est incontestablement un phénomène culturel qu’il appartient à des sociologues, voire ethnologues d’analyser.

Pour ma part, je ne peux que continuer à me poser des questions !
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