Agences : après 40 ans, la porte !

Il n’y aurait donc pas de vie après quarante ans dans le monde du design ?

Deux fidèles collaborateurs d’Admirable Design, échangent avec vivacité et humour sur ce sujet dont on ne parle jamais…

A lire après le précédent article de Claudie da Cunha sur le joui du consommateur, dont l’écho a été tel qu’il a été repris par la presse écrite !

« Quand les quadras sont mis en quarantaine… »

morel_150.jpg
De Laurent Morel à Claudie da Cunha

Je ne compte plus les amis de 40 ans, voire de 37 ou de 38 ans qui perdent leur boulot en agence ou dans les supports de presse…

Un matin, on se réveille et l’on ne sait pas pourquoi ça y est-on est passé de l’autre côté du miroir…

On était un jeune loup plein d’avenir, un junior qui avait fait ses preuves, un collaborateur qui avait joué la carte de la fidélité, un « futur associé » comme cela avait été glissé au creux de l’oreille lors du bilan de fin d’année, et puis c’est la rupture.
Celle-ci est présentée façon violon « tu sais, la faible rentabilité de l’agence ne me permet plus de te garder, il faut que je sacrifie les meilleurs éléments, sinon je ferme… » ou façon poignard dans le dos « tu n’as pas rempli les objectifs que je t’avais fixé, je t’ai prévenu plusieurs fois, je crois qu’il serait préférable pour tout le monde que tu démissionnes, cela te permettra de quitter l’agence la tête haute… »

Dans tous les cas le résultat est le même : le chômage !
Seuls ceux qui, avant 35 ans, sont entrés au capital de l’agence ou sont passés chez l’annonceur ont sauvé leur peau…
Mais que se passe-il dans la tête des patrons d’agence ou dans celle de leur expert comptable ?

Pourquoi raisonner uniquement à partir des charges salariales ?
Le collaborateur n’est pas seulement un coût, il est, notamment dans une entreprise de conseils ou de services, un des éléments constitutifs des actifs de la société : il est à la fois « l’outil de travail », la mémoire interne, l’unité de formation, la relation client,…

Une fois le quadra jeté, il faudra peut-être deux juniors pour générer la même productivité… où est l’économie ?

Et enfin, croyez vous que l’annonceur, qui lui est un quadra, trouvera ça du meilleur goût que l’on vire son interlocuteur habituel pour le remplacer par un jeune diplômé, sans poils au museau ? »

auton63.jpg
De Claudie da Cunha à Laurent Morel

Oui je sais, c’est une décharge que l’on prend à cet âge, en agence.
C’est un vrai phénomène de société, une des facettes du totalitarisme de classe… Carrément !

Les jeunes contre les vieux, le capitalisme contre le prolétariat, la gauche contre la droite, les nationaux contre les émigrés, les hommes contre les femmes…Des oppositions réductrices.

Il y a très peu de temps que les enfants ne sont plus considérés comme des adultes en réduction et que l’on a créé le phénomène « ado ». Chemin faisant sur cette découverte, les psys toutes catégories se sont aperçus que communiquer « ado » voir « enfants » cela faisait baisser l’esprit critique du consommateur. Comme disait Coluche : « on est une bande de jeunes, on s’marre »… Et, pendant ce temps-là, on ne discute pas.

« Faire jeune » est devenu une stratégie de communication, dont les risques sont apparus à l’usage. Bison futé a suscité une sympathie tous publics, mais il a aussi propulsé tous ces publics dans le monde de Roger Rabbit, un monde de toons où l’on ne meure jamais ; pas très compatible avec la prise de responsabilité des conducteurs.

Dans les métiers de la marque, on n’est jamais intelligent tout seul, design, stratégie, expérience, regards neufs, c’est en se frottant à nos aspérités respectives que naît l’étincelle de la création, de l’innovation ; mais au final, le décideur est celui qui achète.

Je pense aussi que c’est la mission des professionnels, d’informer les acheteurs que les choix qui lui sont proposés ont une face cachée. Ce qui rejoint mon propos sur la consommation citoyenne, « Le joui du consommateur »([->1085]) sur Admirable Design.
À nous de savoir si l’on ne veut pas que nos vêtements soient faits pas des enfants esclaves, que notre système de distribution ne tue pas les producteurs français et si l’on ne veut pas jeter les 40 ans.

Tu es côté client, c’est toi qui achètes, à toi de jouer les quarantièmes rugissants.