Les prix du design 2017 du club des DA

76 travaux présentés contre 41 l’année précédente. Le design prend de l’ampleur chez les directeurs artistiques dont le club a primé mardi 10 avril les meilleures réalisations de 2017. Voici les six prix – la sélection fut drastique – décernés par le jury présidé par Patrick Jouin.

Le prix « design » lancé il y a dix ans avec celui de la « typographie » (nous y reviendrons), montre que la discipline est devenu « stratégique et structurante, assure le communiqué de presse du club des DA qui présentait son palmarès le mardi 10 avril 2018 à la Seine musicale. Elle est un art de conception et un art d’exécution à haute valeur ajoutée, tant créative que conceptuelle ».

Les deux premiers prix illustrent bien la force de la conception et la beauté de l’exécution. Ils récompensent deux créations réalisées par un seul studio, Artworklove, le bien nommé : entre ouvrages d’art et amour de l’art et du savoir-faire, la rencontre se fait. Leurs deux réalisations sollicitent la prise en main, rechignent à être jetés. Du beau travail. En design graphique, c’est la trompette d’or d’Ibrahim Maalouf gaufrée sur fond bleu – très Vierge Marie – du carton d’invitation réalisé pour Bouygues à l’occasion du concert du 7 juin 2017 à la Basilique Saint-Denis. L’agence emporte également le prix de l’identité visuelle pour le premier « Independant paper show » de Bronschhofen (Suisse), remarquablement mise en œuvre avec ses lettres colorées, très indépendantes, qui se détachent sur du papier blanc pour écrire le nom de l’événement qui semble prêt à disparaître sous des rames de papier déformées (photo de une). « Ils font plaisir à regarder, donnent envie de les caresser, remarque Gilles Deléris, cofondateur de l’agence W&Cie, qui nous commente le palmarès. Avec une économie de moyen graphiques, le soin apporté au gaufrage et à la couleur, ils ressemblent à des cadeaux. » Et expriment parfaitement l’objet de leur présence.

Invitation au concert d’Ibrahim Maalouf, réalisée par le studio Artworklove.

En design packaging, Porcelaine bones emporte les suffrages. Une boîte blanche, siglée de quatre illustrations d’os, protège une assiette elle-même imprimée du dessin d’une radio de poignet. Une campagne de sensibilisation à l’ostéoporose imaginée par Humanseven pour Amgen, leader mondial des biotechnologies et l’Aflar (Association française de lutte anti-rhumatismale) et qui reflète une démarche design tenue jusqu’au bout. L’assiette en porcelaine de Limoges, conçue par l’artisan porcelainier Jean-Louis Puivif, est en effet 40 % plus fragile et plus poreuse que ses sœurs. Comme sont 40 % plus fragiles les os d’une femme de plus de 50 ans atteinte d’ostéoporose. L’artisan a passé plusieurs semaines à choisir les matières et le temps de cuisson pour atteindre l’objectif recherché. À la main, l’objet communique parfaitement ce message.

Des assiettes en porcelaines fragiles comme les os d’une femme atteinte d’ostéoporose. Une idée de Humanseven.

La mention design d’espace revient à Scents of the city, réalisé pour Thalys par l’agence Rosapark. Une installation odorante qui transforme les visiteurs en Proust urbain et les transporte en une inspiration vers une des villes desservie par le consortium ferroviaire. Une centaine de tubes disposés en voute olfactive créée par le studio L’associé contient les parfums de Bruxelles, Paris, Amsterdam ou Cologne. Le renifleur y trouvait ainsi la baguette parisienne ou le pop-corn bruxellois avant un théâtre dans la Galerie de la Reine imaginés par la conseillère en parfums Élisabeth Carre. « La dimension plastique de l’installation crée de la notoriété et du partage, souligne Gilles Deléris. Ce n’est pas très grand public, – en France on l’a vu par exemple, à la Galerie Joseph pendant la design week – mais c’est un pari sur la viralité. »

Une voute de tubes odorants pour voyager immobile. Imaginé par Rosapark.

En design global de marque, c’est W&Cie qui remporte la mention pour Jo&Joe imaginé pour Accor Hotel. Qui est Jo ? À l’oreille, c’est une fille, ou un garçon. Tout dépend de ceux qu’on a dans la famille. Le logo entretient graphiquement la confusion grâce à l’esperluette. L’un est le miroir de l’autre, à moins que les deux ne soient un peu le même. Pas tout à fait un autre, en tout cas. Comme le Ying et le Yang, mais façon soleil puisque le jaune est sa couleur. Un disque qui évoque quelques musiques (comme Girls and boys de Blur en 1994) qui ont bercé les millennials (nés entre 1980 et 2000). Identités plus fluides, échanges multiples en tribus ou en groupe plus resserrés : les murs sont mouvants comme les espaces de cette nouvelle catégorie d’hôtel créée avec le cabinet d’architecture Lee Penson. « Les plus jeunes vont dans des auberges de jeunesses ou utilisent Airbnb, souligne Gilles Deléris co-fondateur de l’agence primée. Ils ne vont ni dans les Ibis ni dans les Novotel comme leurs parents. Nous avons donc accompagné Accor dans la création de cette nouvelle offre en imaginant d’autres pratiques, comme ce Pizza bed où l’on peut dormir à huit. » Des chambres à partager à plusieurs comme à Hossegor et bientôt à Bordeaux. Toujours dans des endroits de passage où nature et fête peuvent se rejoindre.

Le logo de Jo&Joe par l’agence W&Cie.

Dernière nomination, une nouvelle fois en design graphique, avec l’identité et le logo du théâtre Massalia à Marseille (comme son nom l’indique) énergiquement refondu par le studio de design Et d’eau fraîche créé en 2000. Le duo Mathilde Damour et Thomas Delepière reprend et modernise la métaphore maritime propre à l’image de cette scène conventionnée pour la création jeune public en transformant le A de Massalia en bateau sur l’eau (la rivière, la rivière… ou la mer) ludique (jusqu’à évoquer le grand sourire d’un clown sur certaines déclinaisons). Le mouvement des vagues de l’ancienne version continue son travail grâce aux points de couleur qui ponctuent les capitales du nom et donne de l’allant et du ludique à l’ensemble.

La nouvelle identité graphique du Massalia par Et d’eau fraîche.
L’ancien logo du théâtre marseillais.

Par Soizic Briand (le texte, pas le logo).

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