C’est quoi la sémiologie ?

On est sympa, on ne vous pose la question… Et puis, notre fidèle rédactrice spécialiste des images, Valérie Seltz se fait un plaisir de nous dire ce qu’il faut savoir en quelques lignes, sur cette science souvent associée au design graphique.

A Admirable Design on tient absolument à vous cultiver ! Alors promettez-nous de lire avec attention ce nouveau papier écrit pour vous.

La définition classique de la sémiologie a été proposée par Ferdinand de Saussure, dans son Cours de linguistique générale (1). « La sémiologie étudie la vie des signes au sein de la vie sociale ». Comme pour la plupart des définitions, celle-ci nous renvoie à un nouveau questionnement : Qu’est-ce qu’un signe ?
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Une chose pour une autre…

Une première définition très générale nous dit qu’un signe est une chose mise pour une autre chose, ou à la place de … Un signe marque donc une relation entre deux choses. C’est à cette relation que la sémiologie va s’intéresser.

Considérons le pictogramme ci-dessous, en l’imaginant placé bien en vue à proximité d’une porte.
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Essayons de trouver une « traduction verbale » de ce picto :

– quel message me transmet-il ?

– qu’est-ce que j’apprends en le regardant ?

– qui me parle ?

– qu’attend-on de moi ?

Si je parviens à répondre à toutes ces questions, on peut en conclure que ce pictogramme a une signification : il fait signe. Cela veut dire qu’il exprime des pensées et qu’il provoque une démarche interprétative.

Le sens du signe dans son contexte.

Pour Roy Harris (2), « le signe n’existe que pour permettre l’intégration, dans un contexte donné, de certaines activités humaines ». Cette définition de la fonction du signe nous ramène à la fin de la définition de Saussure pour qui la sémiologie étudie la vie des signes « au sein de la vie sociale ». La sémiologie s’intéresse donc au signe dans son contexte, « tel qu’il se présente à nous en état de marche » écrit Harris, le signe au travail dans une entreprise de compréhension et de communication.

Mais pourquoi Harris précise-t-il « certaines activités humaines » ? Parce qu’il n’est pas nécessaire qu’un signe donné soit reconnu comme tel par tout le monde. Il y a des signes universellement connu comme une cigarette biffée, ou des silhouettes féminine et masculine sur une porte. Et l’ignorance de certains signes ou de certaines conventions sémiologiques rendent la vie sociale très difficile. Mais il peut exister, évidemment, des signes connus d’un petit nombre de gens, dont la fonction est de signifier quelque chose de précis, de communiquer, lorsqu’ils sont vus dans un contexte donné.

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Attention chien méchant !

La sémiologie s’intéresse donc à la signification d’un signe placé dans un contexte déterminé, à un endroit particulier, considéré à un moment bien précis. Parce que le picto « sortie de secours » que nous avons vu précédemment, s’il est déplacé, n’aura plus forcément la même signification, il pourra alors même perdre sa fonction de signe.

Expliquons-nous.

Prenons l’exemple de Mr Design, qui va acheter un panneau : « Chien méchant » chez le quincaillier du coin. Le panneau, posé sur un linéaire avec 10 autres parfaitement identiques, ne communique rien à personne. Il n’est pas un signe, il n’est qu’un texte. Il a un sens : on peut lire et comprendre le texte, mais il n’a pas de signification. Ce panneau ne deviendra un signe que lorsque Mr Design l’aura fixé sur son portail, pour prévenir les passants ou les visiteurs qu’il a un bouledogue un peu agressif. A ce moment là, placé là, dans ce contexte particulier, ce panneau communique : il crée une relation entre Mr Design et ceux qui le lisent.

Dans le magasin, ce panneau a une existence matérielle : on peut le toucher et même le déplacer, on peut lire le texte. Mais cette existence matérielle est complètement indépendante de sa fonction sémiologique. Tout au long de sa vie, ce panneau existera toujours en tant qu’objet matériel, mais il n’aura pas toujours une valeur de signe.

Quelle est la condition qui lui donnera une valeur de signe ? Le fait de le faire vivre dans un contexte.

La distinction entre signe et support matériel est très importante : on peut déplacer un support matériel sans le détruire, mais on ne peut pas déplacer un signe. Tout changement de contexte produit :

– soit un nouveau signe.

– soit la suppression de toute communication.

On parlera alors de l’impermanence du signe, et de la permanence du texte. Un texte imprimé a une réalité permanente, mais il n’est pas toujours un signe.

C’est le temps de résumer…

Pour résumer, nous dirons que toute communication visuelle prend une valeur de signe dans contexte précis, et la finalité de la sémiologie est d’étudier les conditions dans lesquelles les signes produisent du sens : ce qu’ils signifient et comment ils signifient.

Mais, dans tous les cas, il ne faut pas confondre la notion de signe avec celle de son support matériel. Le signe a besoin d’une existence matérielle pour se présenter, d’un certain véhicule. Mais, ce véhicule a une existence indépendante de sa fonction sémiologique.

(1) De Saussure F., Cours de linguistique générale, Payot, Paris, 1922, p.33.

(2) Roy Harris, La sémiologie de l’écriture, CNRS Langage, Paris, 1993, p. 137.