Le design chez un équipementier auto

Voici l’interview d’Andreas Wlasak, vice-president industrial design de Faurecia.

Qu’est-ce que l’entreprise Faurecia ?
Andreas Wlasak. L’équipementier Faurecia réalise un chiffre d’affaires de 18 milliards d’euros avec 122 000 personnes. C’est une entreprise implantée internationalement plus de 300 sites répartis dans 37 pays. Faurecia est organisé selon quatre activités clés  : Clean Mobility, Interiors, Seating et Clarion Electronics. Ces trois dernières activités sont très demandeuses en termes de prestations de design. 

Comment se positionne-t-elle ?
A.W. C’est le bon moment pour en parler, car le panorama des équipementiers est en profonde mutation. Nous venons d’un monde qui était à ses débuts régi par un fonctionnement de type « maître-esclave » : le client demandait et nous devions exécuter toujours plus vite, mieux et moins cher. Aujourd’hui, du fait du bouleversement du marché automobile – arrivée des véhicules électriques, des véhicules autonomes, changement des modèles économiques de possession avec le time-sharing ou le ride-sharing, etc. – de nouveaux acteurs arrivent sur le marché tandis que les acteurs historiques (constructeurs automobiles, notamment) doivent se remettre en question. Pour nous, équipementiers, c’est un mouvement très positif car ces acteurs historiques sont devenus plus humbles ne pouvant résoudre seuls la question de ce que sera la vie demain à bord d’un véhicule. C’est qu’il ne s’agit plus de dessiner un énième tableau de bord ou siège de plus, mais de réfléchir d’abord en termes d’expérience utilisateurs.
Du coup, le rôle du design chez Faurecia, et chez les autres équipementiers, évolue radicalement : on se situe désormais à la source de beaucoup de projets en intégrant l’ensemble de l’amont stratégique de la « user journey », ce qui suppose un regard holistique. On est beaucoup plus dans ce que doit être le »vrai » rôle d’un designer par rapport à il y a dix ans. Être designer chez un équipementier aujourd’hui est passionnant. Un exemple : je viens d’assister à un workshop avec un client qui va entrer comme nouveau constructeur, avec un business model très intéressant. Et dans ce cadre, le design est la porte d’entrée de la démarche « user centric design » qu’a décidé d’adopter ce nouveau constructeur.

Comment s’organise le design chez Faurecia ?
A.W. Mon équipe compte 120 designers, répartis sur les métiers du produit, de l’UX, des couleurs et matières. J’ai un patron du design pour chacun des huit studios de design et également des animateurs de fonctions transversales pour des expertises précises : j’ai donc une quinzaine de designers en report direct. En termes de métiers et de profils, on essaie de coller à nos différents marchés : Chinois en Chine, Américains aux États-Unis, etc. J’essaie cependant de mixer les nationalités au sein d’un même studio pour enrichir la créativité et permettre la mobilité. Sur 120 designers, il y a une quarantaine de Français, et j’en profite pour souligner que les designers français sont très appréciés dans le monde automobile ! Cela dit, mon objectif est que nos designers soient le plus pluridisciplinaire possible, sachant que 120 designers dans le monde pour l’ensemble des projets que nous menons, ce n’est pas un chiffre démesuré, loin de là. Pour ce qui me concerne, je suis positionné au niveau n-2 du CEO, rattaché au patron de la cellule « Cockpit of the future ». 

Quelle est votre journée type ?
Il n’y en a pas vraiment. Cela dit, je consacre beaucoup de temps à des réunions avec des clients (constructeurs ou futurs constructeurs) afin de porter la technologie et le savoir-faire de Faurecia au travers du filtre de l’expérience utilisateur. Beaucoup de temps, également, est consacré à des projets destinés à des salons comme le CES à Las Vegas, où Faurecia met en avant sa vision du futur. Et je passe plus de la moitié de mon temps en déplacement : c’est à la fois une contrainte mais aussi très instructif.

Un message pour terminer ?
On n’utilise pas tout le potentiel du designer en entreprise. Il faut vraiment que les jeunes designers soient conscients de qu’ils apportent et qu’ils ne se laissent pas cantonner au style ou au storytelling. Le design ressort d’une compétence large : il va de l’amont stratégique jusqu’à la concrétisation de l’idée. Restons humbles, mais disons-le haut et clair  : le designer est un acteur de grande valeur pour une entreprise – vision du marché, définition de la problématique, savoir-faire métier.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1128