Klaxoon : du bon bruit

Rencontre avec Matthieu Beucher, le CEO de Klaxoon, dont le produit Teamplayer a reçu un Red Dot.

Matthieu Beucher, quel est votre parcours ?
Je suis un ingénieur R&D Télécom passionné par le produit. Je voulais d’abord être architecte mais mes parents ont préféré m’orienter vers une formation plus scientifique. J’ai d’abord travaillé chez Daimler sur le véhicule autonome où je me suis très vite intéressé à la démarche managériale pour voir comment il était possible d’additionner les talents. Je suis ensuite passé chez Valeo comme directeur de production où j’ai intensivement utilisé le Lean (ndlr : méthode de gestion et d’organisation du travail visant à améliorer les performances d’une entreprise dans les meilleures conditions de coût-qualité-délai). Après cela, j’ai rejoint Alten pour y lancer la branche industrielle, en m’appuyant sur des experts en méthodes agiles. C’est à partir de là que j’ai de plus en plus réfléchi à des manières de faire interférer les méthodes agiles avec notre vie professionnelle quotidienne et voir comment, notamment avec le management visuel, optimiser la créativité. En 2009, je monte Regards, éditeur de logiciels, pour développer de nouvelles interfaces permettant d’optimiser les réunions via un partage facilité de l’information. Regards est en quelque sorte le laboratoire qui nous a amené à créer Klaxoon : de « simple » filiale de Regards, Klaxoon a fini par absorber sa maison mère en 2016.

Pouvez-vous nous situer Klaxoon ?
Klaxoon a été lancé en mars 2015 et comprend à ce jour 250 collaborateurs dans le monde et plus de 5 000 clients – l’ensemble du CAC 40 en France, mais aussi des petites entreprises, des indépendants ou des institutions publiques. Nous nous sommes autofinancés jusqu’à 100 salariés, puis avons levé des fonds – 5 millions d’euros en 2016 et 50 millions en 2018. Notre objectif est d’imposer un nouveau standard de travail en équipe, partant du principe que la façon de classique de travailler de ces 30 dernières années est dépassée. En effet, nous avons constaté que le temps passé dans des réunions traditionnelles représente 30 à 50  % du temps alloué aux activités professionnelles (tous métiers confondus), que les réunions durent 1 h 30 en moyenne (alors que 30 minutes suffisent), que une fois sur quatre les des participants estiment ne pas pouvoir donner leur point de vue et, enfin, que 50 % des réunions s’effectuent avec un absent. Dans ces conditions, notre produit permet de gérer les réunions du quotidien et les ateliers de travail en équipe (idéation) dans les meilleures conditions. Nous n’avons pas de concurrents directs, c’est-à-dire qui ont la capacité d’outiller un manager avec une suite logicielle efficace quels que soient ses besoins et contraintes. C’est pour cela que nous parlons plutôt de notre écosystème partenarial – Microsoft Teams, Slack, etc. – avec lequel nous agissons dans un souci de totale interopérabilité.  

Vous avez reçu un Red Dot pour votre Teamplayer ?
Oui, et pas seulement un Red Dot ! Juste pour situer le concept, Teamplayer est la première console de gestion visuelle pour le travail d’équipe à distance ou sur site. Elle transfigure le lieu de travail en quelque chose de convivial, participatif et humain en transformant n’importe quel écran en un espace visuel collaboratif. Notre ambition est d’effacer les barrières entre les métiers et surtout de combattre la posture qui est de dire « puisque c’est un outil de travail le design est accessoire ». La démarche du design, pour nous, contribue à rendre le partage d’information plus évident et plus efficace, permet à chacun de mieux comprendre et se comprendre. J’ai souvent constaté qu’une des sources majeures d’incompréhension d’une problématique provenait d’un design inadapté (l’ergonomie, notamment). On n’a pas cherché à adapter un produit ou une technologie existante, mais nous sommes partis en nous demandant « que ferait-on s’il n’y avait rien ? » :  le résultat a été de marier un tableau blanc avec toutes les possibilités qu’offre la technologie. Combiner le naturel et les outils, en quelque sorte. Le principe est de se servir intelligemment de ses écrans (smartphone, tablette, etc.) en permettant à toute personne en réunion à d’avoir accès à une interface de collaboration. Autre point notable de Teamplayer, la réactivité maximale de l’interface : en effet, la notion de temps réel est primordiale car l’idée doit pouvoir apparaître dès qu’elle survient, ce qui permet des échanges très humains. D’autre part, on a travaillé sur des évidences visuelles qui constituent des prolongements naturels de la façon dont on pense. Ainsi, la réflexion collective s’affiche de façon intuitive afin que tous les participants puissent s’en inspirer et la bonifier. Quand on a un collectif bien connecté, on dépasse les contraintes de chacun et on pousse chacun à se dépasser, ce qui est beaucoup mieux que de jouer en équipe en abaissant le niveau pour que tout le monde suive. Finalement, on a un angle très consumer : on ne doit pas savoir si un outil est grand public ou professionnel. Ce qui est important est que la réflexion collective soit fluide et indépendante du contexte. Autre point que je tiens à souligner : on ne veut pas que les gens aient peur de jouer avec nos produits. À l’inverse des salles de réunion bourrées de technologies intimidantes, nous sommes dans le naturel, dans l’absence de danger. Pour que les gens s’expriment il faut qu’ils soient à l’aise. Le design de la Teamplayer est lié à cette volonté accueillante, positive, empathique, facilitatrice. Enfin, nous avons travaillé la fiabilité : l’utilisateur doit savoir que notre outil est solide et endurant. C’est pour cela que notre plateforme est accessible même sans connexion internet. Partout dans le monde, il y a une box Klaxoon autonome permettant un travail collaboratif de qualité. Bref, avec nous, pas de salles de réunion requises  : on peut travailler à partir de n’importe quel lieu. C’est pour cela que nous avons aussi lancé un Klaxoon store où on propose aux équipes de venir voir comment repenser leurs espaces de travail. On veut accompagner les entreprises dans leurs nouvelles façons de travailler en intégrant les changements de postures. Klaxoon doit la marque de référence pour les nouvelles façons de travailler.

Le design ce n’est donc pas juste de la cosmétique ?
Pas du tout ! Nos outils permettent de beaucoup mieux révéler la valeur productive du design, notamment dans les aspects liés à la gestion de projet. Nos outils réduisent la distance entre les designers et les autres métiers. Résultat : la créativité s’exprime de plus en plus dans tous les métiers de l’entreprise et la démarche du design se diffuse de mieux en mieux grâce à des outils comme les nôtres.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1171