Le New European Bauhaus

La présidente de la Commission européenne a récemment annoncé le lancement du projet New European Bauhaus. L’occasion de rencontrer Isabelle Vérilhac, directrice international et innovation de la Cité du design et vice-présidente du BEDA, sur l’importance d’une telle initiative.

Isabelle Vérilhac, rappelez-nous ce qu’est le BEDA
Le BEDA, autrement dit The Bureau of European Design Associations, compte 47 membres issus de quelque 25 états européens. Nos membres sont des centres de promotion du design, des organisations financées par des fonds publics ainsi que des associations professionnelles et commerciales de designers dont l’objet est de promouvoir le design au niveau national ou régional. Tous les métiers du design sont représentés, et notamment le design industriel, le design d’intérieur, le design numérique ou le design stratégique de marque. Je précise que le BEDA est une organisation à but non lucratif, financée en totalité par ses membres, dirigée par un conseil d’administration, un président et un vice-président, l’ensemble étant élu tous les deux ans. Notre siège est situé à Bruxelles.

Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a annoncé récemment la création du New European Bauhaus. Qu’en est-il exactement ?
Le New European Bauhaus est une initiative créative et interdisciplinaire qui a pour vocation de proposer un espace de rencontre pour concevoir de futurs modes de vie, à la croisée des chemins entre l’art, la culture, l’inclusion sociale, la science et la tech-nologie. Il s’agit d’opérer une convergence entre le pacte vert et nos lieux de vie en appelant chacun à co-construire ce que pourrait être un avenir durable, inclusif et esthétique. Je voudrais insister sur le terme « esthétique », qui doit être compris de façon extensive. Tout d’abord, il recouvre la notion d’espaces in-clusifs et accessibles, c’est-à-dire une économie plus inclusive, où la richesse est répartie et où les espaces sont abordables ; ensuite, il a trait aux solutions durables, qui créent un dialogue entre notre environnement bâti et les écosystèmes de la planète. Il s’agit d’adopter des approches égénératives inspirées des cycles de la nature qui reconstituent les res-sources et protègent la biodiversité ; enfin, il s’attache à l’obtention d’expériences enrichissantes, qui s’inspirent de la créativité, de l’art et de la culture et qui répondent à des besoins autres que matériels. Il s’agit d’apprécier la diversité comme une occasion d’apprendre les uns des autres.

Pourquoi avoir repris l’appellation Bauhaus ?
Il est vrai que certains se sont étonnés que le vocable Bauhaus soit repris. Mais rien de plus logique, en fait. Le Bauhaus, rappelons-le, est une école pluridisciplinaire créée en Allemagne en 1919 par Walter Gropius, architecte et designer allemand. Le Bauhaus était un projet inclusif – où, fait rare à l’époque, les femmes étaient présentes – qui symbolisait la volonté de construire un monde meilleur. Ce mouvement a diffusé dans toute l’Europe, et même au-delà. C’est exactement l’ambition du New European Bauhaus.

Quel est le plan de route du New European Bauhaus ?
Trois phases sont prévues, sur une durée de cinq ans : co-design, réalisation et diffusion. Nous sommes ac- tuellement dans cette première phase participative de co-design, jusqu’à l’été 2021, avec la possibilité pour tous de contribuer aux missions du New European Bauhaus. Il existe un site internet spécifique consacré à ce New European Bauhaus, lancé en janvier, pour collecter jusqu’à mi-avril 2021 les différents projets. Et c’est à partir de ces projets que sera écrite la feuille de route selon trois catégories : projets existants, projets futurs et challenges – c’est-à-dire une sélection besoins fondamentaux auxquels il est absolument nécessaire de répondre. Pour ce qui concerne la première catégorie (projets existants), des prix de 30000 euros seront attribués aux lauréats. Et d’autres prix vont suivre. Il est à noter que l’équipe pilote du New European Bauhaus est en lien direct avec Ursula von der Leyen. Cette équipe provient du Joint Research Center, lui-même issu du Europe Policy Lab. Elle travaille transversalement avec les différentes Directions Générales de la Commission européenne pour consolider les multiples financements.

En quoi le BEDA, et en particulier son antenne fran-çaise, s’intéresse-t-il au New European Bauhaus ?
Tout d’abord, le BEDA est très proche de cette initia-tive, et ce depuis le départ. Nous en sommes d’ailleurs un partenaire officiel. D’autre part, nous sommes cinq membres du BEDA en France – AFD, APCI, Cité du design, DESIGNERS+ et lille–design – qui nous sommes rapprochés pour faire connaître cette initiative au niveau national afin de pousser les acteurs de l’écosystème du design français à déposer des projets. Il faut absolument montrer que la France est activement contributrice dans la définition d’une Europe décarbonée en 2050. Il est donc nécessaire de créer un dialogue entre designers et architectes et de déposer le résultat de ces conversations sur le site du New European Bauhaus. Suite à cela, il y aura un appel à projets en septembre et cinq pays pilotes (et peut-être plus) en Europe seront désignés. Nous nous concertons au niveau du BEDA pour savoir quels seraient les pays les plus appropriés – et il serait vivement souhaitable que la France soit l’un d’entre eux. Mais cela ne sera possible que si notre pays se montre particulièrement contributif lors de cette première phase de co-design.

Une interview de Christophe Chaptal

Article précédemment paru dans le Design fax 1185