Je rêve de presser un agrume sur le Web.

Bernard Prieur-Smester , concepteur-chef de projets multimédia, chargé de cours en France -dont à Strate Collège- et aux Usa, est une pointure dans le web design.

Il rejoint l’équipe d’Admirable pour partager ses expériences avec nos visiteurs.

Vous êtes gâtés !

Pour son premier article, Bernard nous fait part de son point de vue sur l’état du web design, non sans humour…

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À priori, je ne vois pas de différence entre un presse-agrume et un site Internet, mais j’en constate pourtant les divergences. S’il est vrai que je n’ai jamais pressé un citron sur mon navigateur Web ni jamais bu une information fraîche dans un verre, je suis utilisateur de l’un et de l’autre et j’ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi le travail de design ne s’applique pas quel que soit le support. Je rêve de pouvoir presser un agrume sur le Web.

De l’Ariane au web…

Lorsqu’on parle d’objets, de meubles ou encore d’automobile, le design se réfère aux visions du métier et du marché qui influence (prend en compte) le comportement des consommateurs (utilisateurs). Marketing et design nous proposent entre autres des « voitures à vivre » et des objets facilitant notre quotidien. Le tableau de bord de la dernière Renault, pensé et conçu pour en faciliter l’usage, n’a plus rien de commun avec celui que les ingénieurs de chez Simca montaient sur l’Ariane-4 (modèle 1957) que possédait mon père. Conduire actuellement une voiture de cette époque relève de l’attrait « exotique » du rétro, mais sûrement pas du « confort moderne ».

Dans l’univers hexagonal du multimédia et de l’Internet, le design se confine aux sphères du graphisme : « Le design de votre site est un point crucial dans le succès et la pérennité de celui-ci ! Simplicité, convivialité, intuivité… : autant de règles incontournables que vous devez appliquer, lors de la création de la charte graphique de votre site Web. »

Mais quelle est sa réelle place dans les applications où le « copié collé » d’informations « papier » sur support électronique, (hâtivement « habillé » et « mis en couleur » par un graphiste quand ce n’est pas par le développeur), s’applique à la majorité des sites qui oublient le fond au profit de la forme ?. Son rôle serait de construire « la maquette et le design du site Web. Il est le garant du respect de la charte graphique. »

Imagine-t-on un presse agrume « purement design », qui en plus de laisser couler le jus dans le verre y fasse tomber également la pulpe et les pépins ? L’objet passerait alors de la cuisine à l’étagère du salon (il faut bien rentabiliser ses achats). Les utilisateurs réclament avant tout de la fonctionnalité et sont prêts à payer pour cela. Les succès de l’iMac et de l’iPod d’Apple en sont des exemples. Et ils sont aussi « design »… !

La fonction du web designer…

En traversant la Manche ou l’Atlantique, le « Web designer » change de fonction et retrouve ses prérogatives de conception créatives. Il a en charge d’imaginer l’application, de scénariser les parcours interactifs et d’écrire les story-boards détaillés qui seront validés par le client, puis réalisés par les graphistes et montés par les développeurs. Un site Web n’est qu’un média, tout comme le livre, la radio, le cinéma ou la télévision. La conception y est majeure et doit répondre à des règles très précises pour mettre en valeur le contenu, intéresser et séduire l’utilisateur. Cantonner le design à la charte graphique d’un site n’est-il pas réducteur ?. Le packaging, l’automobile ou le meuble devraient-ils être moins « pensés » qu’un site présentant un musée ou une activité industrielle ? Les films de Dziga Vertov étaient-ils moins conçus et scénarisés que ceux de la pub ?

Alors, lorsque l’association designer / concepteur d’applications multimédia sera effective, nous pourrons fêter l’événement autour d’un verre de pamplemousses (sans les pépins), fraîchement pressés sur le net.