Mermet : Les Français et le design…

Gérard Mermet, sociologue médiatisé s’il en est, nous livre régulièrement le résultat de ses analyses, dans les parutions du Francoscopie. Tous les comportements du Français y sont passés au crible.

Admirable Design l’a rencontré pour vous, histoire de lui parler… design !

Donc…

La société mécontemporaine.

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Admirable Design : En quoi les Français ont-ils changé depuis la précédente parution de Francoscopie, c’est à dire, depuis 2002 ?

Gérard Mermet : Ils sont entrés dans la société « mécontemporaine » où l’on note l’agravation du malaise social, la difficulté du « vivre ensemble. »
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AD : Coup de blues ou déprime ?

GM : Ils y a des raisons objectives à cette état d’esprit. Citons :

– la persistance du chômage,

– la faiblesse de la croissance, et

– les discours ambiants sur le déclin de la France. Mais à cela, il faut ajouter les raisons subjectives tout aussi importantes :

– La difficulté de se projeter dans un avenir serein,

– le manque de confiance dû à trop de ruptures, à des accidents, qui créent une situation inconfortable,

– la société de casting basée sur un système permanent de sélections et d’éliminations (voir Star Academy, La Ferme, …), source de frustrations,

– le sentiment général de menaces : la démographie mondiale, l’écologie menacée, le terrorisme et le communautarisme qui marque la fin du modèle d’intégration républicain.
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AD : De là à dire que le consommateur à modifié ses comportements, il n’y a qu’un pas !

GM : Bien entendu ! Il est devenu encore plus méfiant et offre plus de résistance à ce que dit la marque, l’enseigne. Gare aux produits qui ne tiennent pas leurs promesses ! Quant à la publicité mensongère…

On peut dire que globalement, l’image des sociétés, et des grandes, en particulier, s’est dégradée. Il y a une forte tentation d’une autre forme de consommation qui serait le pendant de l’altermondialmisation.

La question posée étant : à quoi sert de consommer puisque l’on n’est pas plus heureux ? Le consommateur est donc amené à faire des arbitrages sur des critères de plaisir et de sécurité. Entre l’hédonisme -ici et maintenant- et la religion -ailleurs et plus tard.

Il y a une forte attente de vertu. Tenons nos promesses !
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AD :Et le design dans tout cela ?

GM : Il y a une responsabilité sociale du designer : on attend d’avantage de lui que du fonctionnel et de l’esthétisme. Il doit proposer des objets porteurs de sens qui contribuent à l’identité de l’utilisateur, qui donne à voir des « valeurs apparentes ». DES OBJETS QUI AIDERONT A PASSER DU « MOI-JE » AU « MOI-NOUS » !

Mais là aussi, le consommateur décode de plus en plus finement ; ceux qui trichent seront sanctionnés.

On entre dans un univers banalisé de produits et de services. La valeur ajoutée devient immatérielle. Or le design est là, à la frontière de la perception du matériel et de l’immatériel. Il a une belle carte à jouer…