2010 : François, étudiant (feuilleton, chapitre 1)

Un directeur d’école, Christian Guellerin qui dirige la fameuse Ecole de Design de Loire Atlantique et Frédéric Degouzon, responsable multimédia, nous offrent une réflexion sous forme de tranche de vie : partager la vie d’un étudiant en 2010 ! La sociologie et la prospective, peut être passionnantes quand on a un don de romancier.

Le premier feuilleton (en 3 épisodes), d’Admirable Design ! !

Vous allez aimer… et vous instruire à la fois.

EXTRAIRE LE POINT OBSCUR…

1- «  Brave new world  »*

Année 2010 : François a 20 ans. Il vient de recevoir ses résultats du baccalauréat. Comme tous les matins, il a consulté le fil d’information de son lycée : il est averti qu’il doit se connecter sur le site du Rectorat. Il est reçu. Son nom apparaît clairement. En haut de l’écran, le Ministre de l’Education le félicite chaleureusement, sa voix est enthousiaste, il est porteur de l’avenir de l’Europe.

François est heureux. Il ne regrette pas son choix de la formation ouverte à distance. Il n’a jamais aimé l’Ecole, la promiscuité des autres, les conflits, la violence parfois. Et puis des conventions de vie en commun qui ne lui ont jamais vraiment convenu. François aime la liberté. D’ailleurs, il n’y a plus mis les pieds depuis 4 ans déjà. Il n’a plus vu une salle de classe, plus un professeur depuis plusieurs années. De toute façon, plusieurs heures de transport, tous les jours, ce n’était plus vivable. Plus le temps, de le prendre, de s’arrêter un peu pour discuter, plus le temps de rien…Plus le temps d’être un être social et maintenir des relations avec les autres.

Le « point obscur »…

Tous les matins, comme la plupart des étudiants, il branche sa station sédentaire à heure fixe. 9 heures, apparaît alors un intervenant plein écran qui lui explique la leçon d’aujourd’hui. Visiblement, lui aussi est chez lui. La leçon commence, l’écran se réduit pour laisser place aux démonstrations écrites. François pointe consciencieusement avec son stylet et directement sur l’écran, les points qu’il ne comprend pas et qui feront l’objet d’explications spécifiques complémentaires. 20 minutes plus tard, la leçon est terminée. Le professeur quitte ses élèves, l’écran s’éteint. La leçon est automatiquement sauvegardée dans son casier numérique au lycée. Il se rallume pour visionner les explications qui nécessitent des compléments d’information. Soit ces informations sont stockées, et elles apparaissent automatiquement : le professeur a préparé une bibliothèque d’explications complémentaires ou bien, l’ordinateur fait une recherche systématique dans les leçons précédentes. Alors, il en est extrait le « point obscur ». Soit aucune explication n’est disponible, alors ils convient d’interroger le professeur directement, il suffira de lui envoyer un mail. Si le nombre de mails reçus est conséquent, le professeur reviendra plus tard sur la notion. Il a d’autre part conseillé de faire deux exercices. Directement connecté, il envoie sa solution au correcteur qui lui répondra par mail.

Le lycée a mis en place cette méthode d’apprentissage, mais la camaraderie et l’entraide se sont mises en place avec tous les compagnons de classe : aussitôt, le sujet connu, les discussions démarrent en parallèle, par la messagerie multimodale instantanée, en texte, en vocal et en visioconférence. C’est pratique, François sait qui est en ligne et qui est disponible pour la discussion. François aime bien cette méthode d’enseignement, il ne perd plus de temps pour aller de classe en classe, pour s’installer, pour écouter les blagues, des profs ou de ses voisins. Tous les pédagogues savent que sur une heure d’enseignement, seules 10 à 15 minutes sont efficaces. Grâce à l’ordinateur, il a en 20 minutes l’essentiel. C’est à lui d’approfondir, de chercher, de comprendre. Pour peu qu’il s’implique, il est plus responsable de ce qu’il apprend, il comprend mieux ce qu’il ne sait pas.

Le savoir du prof ?

Naguère, les professeurs possédaient le savoir : l’omnipotence du maître, docte, dogmatique parfois rendait le savoir inéluctable et indiscutable. Il fixait la règle, en même temps qu’il rendait docile. Hors de lui, point de salut ! Aujourd’hui, à peine le savoir est dispensé, qu’il est remis en question : chaque jour, tous les serveurs internet déversent des tonnes d’information mettant en cause ce qui était vrai le matin même. Il devient difficile de choisir, la vérité devient toute relative. Trop d’informations tuent l’information. Trop de savoir tue le savoir. Quel plaisir, cependant, de penser que l’on ne sait jamais rien et qu’il nous reste tant à découvrir.
Alors, on ne peut attendre des professeurs qu’ils dispensent du savoir, mais bien plutôt de la méthode, du sens, de la curiosité. François aime les professeurs qui disent « je ne sais pas, je vais vérifier. Demain, je te dirai où chercher. »

François trouve qu’il est plus libre, plus indépendant. Il peut alors surfer sur la toile, le Web, pour obtenir d’autres informations plus complètes, plus indépendantes. Il a la plus grande bibliothèque du monde sur sa table et il est rassuré de tout ce savoir à portée de main. Il paraît que ses parents devaient aller à la bibliothèque ou acheter des livres et cela était fort cher. Aujourd’hui, François sait que cela ne coûte rien, sinon du temps, le sien alors il en dispose comme il veut.

_ A suivre… lundi prochain

*« Brave new world » (Le meilleur des mondes) – Aldous HUXLEY – 1932
« Dans ce livre visionnaire écrit dès 1932, Aldous Huxley imagine une société qui utiliserait la génétique et le clonage pour le conditionnement et le contrôle des individus.
Dans cette société future, tous les enfants sont conçus dans des éprouvettes. Ils sont génétiquement conditionnés pour appartenir à l’une des 5 catégories de populations. De la plus intelligente à la plus stupide : les Alpha (l’élite), les Bêtas (les exécutants), les Gammas (les employés subalternes), les Deltas et les Epsilon (destinés aux travaux pénibles).
Le « meilleur des mondes » décrit aussi ce que serait la dictature parfaite : une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader. Un système d’esclavage où, grâce la consommation et au divertissement, les esclaves « auraient l’amour de leur servitude »… »(source Internet)

Frédéric Degouzon – Responsable Multimédia – L’Ecole de Design Nantes Atlantique

Christian Guellerin – Directeur général – L’Ecole de Design Nantes Atlantique