Qu’est-ce que t’écris là Laurent ?

Les Orientaux possèdent traditionnellement, des artistes calligraphes qui repoussent la frontière entre l’art et la lettre et s’aventurent dans des zones où les limites des deux territoires se confondent.

Les calligraphes Occidentaux eux, sont allés moins loin. Le verbe est porteur de sens d’abord. Nous partons de constructions abstraites quand d’autres civilisations partent d’une iconographie primitive figurative. Les moines du Moyen-Age, avec les enluminures ont réussi un mariage intime du dessin et de la lettre.

Mais peu se sont essayé à la lettre-dessin, à la fusion totale des deux arts.

Pourtant, Philippe Laurent se situe là. Inconnu et talentueux (ce n’est pas si rare !) il a d’abord été designer-graphiste avant de se lancer dans ces sublimes alphabets ésotériques !

Mais qu’a-t-il voulu écrire là ?

Admirable Design trouvera-il la réponse ?

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Admirable Design : Comment êtes-vous venu à cette sorte d’écriture ?

Ph. Laurent : Au départ j’ai fait un travail figuratif, des petits personnages qui se sont stylisés jusqu’à devenir des sortes d’idéogrammes. J’y ai ajouté une étude personnelle sur la forme des symboles initiatiques car ils ont une force esthétique au delà du sens…
or sur goudron

AD : Il s’agit-bien d’une fausse écriture. Pourquoi pas une véritable écriture, dont le message serait lisible par tous ?

Ph.L. : C’est d’abord venu d’une gestuelle pour me libérer des contraintes, jusqu’au devenir une sorte d’automatisme. Mais je cherche à ne jamais répéter deux fois la même figure !

C’est un jeu d’illusionisme. On peut penser que c’est l’écriture d’un autre continent. Comme une écriture qui existerait quelque part ou une langue qui aurait été perdue…

Signes de maîtres tailleurs de pierre

AD : On peut y trouver des influences orientales…

Ph.L. : Non, à mes yeux il n’y en a pas. Je n’ai pas cherché cela ; je n’ai pas de passion particulière pour le Japon, la Corée, la Chine. Je suis 100 % occidental. Je suis plus proche des signes que les compagnons tailleurs de pierre du Moyen-Age ; mais je les ai arrondi, multiplié, aligné jusqu’à ce que cela ressemble à une écriture.

A moins que ce ne soit universel en dehors de toute civilisation et que l’on retrouve ainsi une sorte de langage primitif commun aux hommes ! !

Un signe caché au détour d'une marche d'un escalier

AD : Avez-vous appris la calligraphie ?

Ph.L. : Non, c’est vraiment une création artistique ; mais bien sûr notre calligraphie m’a influencé, tout comme la calligraphie arabe…
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AD : Groudron et or, un choix en forme de paradoxe, non ?

Ph.L. : Ca me plaît de prendre des éléments de la société contemporaine et industrielle et de les rattacher à une signification plus éternelle, plus ancienne peut-être… Sublimer des composants quotidiens comme le goudron, les vieux bois, le métal sont des matériaux durables qui n’ont pas toujours de noblesse dans notre regard.

Quand à l’or, c’est pour recréer le contraste de l’ombre (le goudron) et de la lumière (l’or).

Rouleau de toile imprégnée

AD : Que pensez-vous des logos de marques qui vous entourent ?

Ph.L. : Certains sont puissants et évocateurs comme celui de Mercedes par exemple. J’en ai dessiné moi-même dans le cadre de travaux publicitaires que l’on m’a commandés en 1991. Dessiner un logotype ou « dessiner » un tableau pour moi, relève de la même démarche…

AD : Votre parcours est atypique ! Vous avez travaillé sur le design, le son, les lumières et maintenant la peinture, comment vous considérez-vous ? !

Ph.L. : L’appellation d’artiste multimédias me convient parfaitement. On commence maintenant à reconnaître ce genre de compétence qui mêle le son, la lumière, le dessin, etc.

Le design est une création pure mais… avec des contraintes. La frontière entre artiste et designer dans les arts déco ou le Bauhaus avaient déjà éclaté, non ?. N’attend pas pris du retard à nouveau par rapport à cette époque ?

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Site Ph Laurent
La photo du signe caché est de Jean-Michel Mathonière qui a également redessiné les signes de Franz Rziha (1881)pour l’édition française.

Pour en savoir plus sur les tailleurs de pierre et le compagnonnage :
les tailleurs de pierre
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