Les combinis : incroyable Japon !

A Tokyo, Jean Jacques Evrard, fondateur de Pentawards est fasciné par ces boutiques sur-éclairées, d’une propreté méticuleuse, au staff jeune, en uniforme, qui sont ouvertes 24/7/365, toujours situées à deux pas. Sur 100 m2 elles sont un condensé de supermarché-restaurant-librairie-agence de voyage-banque et 1001 autres services. Le tout à des prix accessibles et en toute sécurité d’hygiène et de qualité.

Voici les conbinis, véritable phénomène nippon. Source précieuse d’inspiration et d’exemples à suivre pour la distribution européenne.

Un article d’une grande richesse à conserver à tous prix

Suivez le guide…

Au pays du client roi…

Narita, 22 août 2006, 7h45 du matin après 16 heures de voyage entre Bruxelles et Tokyo via Frankfurt. L’aéroport est impeccable d’ordre et de propreté. Les douaniers et le personnel traitent les voyageurs avec respect, politesse et bienveillante fermeté. Il fait chaud et humide.

L’airport limousine bus est tip-top à l’heure au quai 11a. Le chauffeur en gants blancs salue poliment. Une voix enregistrée, en Japonais puis en Anglais remercie d’avoir choisi la compagnie et explique le déroulement du voyage. En route pour Tokyo. Près de 80km d’autoroute à travers les rizières d’abord, les dépôts ensuite, Disneyland et les buildings puis, en apothéose, le panorama de Tokyo la gigapolis vue du rainbow bridge. _ Quelques kilomètres d’autoroute urbaine, on passe Ginza, Roppongi Hills et voici Shibuya le quartier branché et le Cerulean Tower Hotel d’où l’on domine la ville. Salut, courbettes, mots de bienvenue, saluts encore, courbettes toujours. Le client est roi au Japon, empereur même ! Qu’importe le jet lag, je quitte ma chambre en vitesse car j’ai hâte de commencer mon shopping.

Des combinis partout

Tokyo addict !

C’est sans doute mon 15ème séjour et je ne m’en lasse pas. Au contraire, Tokyo est ma drogue. Je peux m’y promener des heures durant, privilégiant la marche et le métro, parfois le taxi lorsque mes pas m’ont conduit trop loin et que la fatigue et mes nombreux achats gagnent la partie. A Shibuya lorsque le feu passe au vert, environ 1000 personnes se croisent. La densité de population doit être la plus forte au monde. Mais curieusement, pas de stress, pas de bousculade, pas d’agressivité.

Au Japon, tout est contenu, maîtrisé, ordonné. On fait la longue file sans chercher à passer devant, on attend que les voyageurs soient sortis de la rame ou de l’ascenseur avant d’y entrer, on ne klaxonne pas, on ne brûle pas les feux rouges que l’on soit piéton ou conducteur, on reste à gauche de l’escalator si on a le temps laissant le côté droit aux pressés.

En échange, on est constamment remercié d’être là où on est. Par le marchand de sushi à emporter, par la caissière du drugstore, par la machine à billets de métro, par le distributeur automatique de boissons, dans le métro par la société de chemin de fer, par le chauffeur de taxi, par l’ATM,… même en entrant chez McDo ou chez Starbuck, le staff vous salue et vous remercie d’avoir choisi son établissement… et je vais vous dire, on s’y fait vite et c’est très, très agréable d’être traité de la sorte. Et en plus c’est contagieux… tout le monde y gagne.

Domo arrigato, Ohayô gozaimasu, Chotto matte-kudasai, etc sont répétés à longueur de journée, salut de la tête en prime. Je crois que cela s’appelle « civilisation ».
Une propreté sans défaut

Conbinis, un art de vivre.

Ce qui m’attire principalement à Tokyo ce sont les conbinis… Conbinis ? ? ? Qu’est-ce cela ? Ce sont simplement ce que les Américains ont baptisé Convenience Store et que les Japonais ont, à leur habitude, japonisé. L’histoire a commencé début des années 70 quand Mr Toshifumi Suzuki s’en alla aux USA pour y conclure un accord de franchise avec la chaîne de restauration rapide Denny’s. Mais il fut si impressionné par les 7-Eleven, créés à Dallas, Texas en 1927, qu’il conclut avec eux un accord de licence. Aujourd’hui, Mr Suzuki est devenu le CEO de Ito-Yokado, propriétaire des 7-Eleven nippons et a même racheté en 1991, 70 % de 7-Eleven USA, l’élève a dépassé le maître ! Ceci est le début de l’histoire d’un des plus étonnants phénomènes de distribution de FMCG au monde.

Aujourd’hui le marché japonais est partagé entre quelques gros acteurs et un total de plus de 50.000 conbinis. Derrière des noms à consonance anglo-saxonne se cachent des sociétés 100 % nipponnes. 7-Eleven le pionnier toujours #1 avec plus de 11,000 points de vente, Lawsons (8.366), Family Mart (6.798), am/pm (1,364), Mini Stop (1.641) et Sunkus (6.315).

Rien qu’à Tokyo, il y a plus de 5.000 conbinis dont 1.463 rien que pour 7-Eleven. Mais on peut dire aujourd’hui que le marché est à saturation. Il leur faudra donc innover, nous verrons cela plus loin.

Le chiffre d’affaires des conbinis dépasse les 4 milliards € par mois pour 950.000 encaissements. On peut en déduire qu’en moyenne chaque Japonais va 7,5 fois par mois au konbini du coin ! Voilà pour les statistiques, voyons maintenant la réalité.
Dans Tokyo, il est difficile de marcher plus de 300 mètres sans trouver un conbini, dans Shibuya, c’est encore plus dense. Ouverts 7 jours sur 7, 24h sur 24, 365 jours par an, ils sont devenus le cœur et l’estomac de la ville. On en trouve plusieurs dans chaque gare, mais aussi dans les hôpitaux et les buildings de bureaux. Même dans mon hôtel se trouve un 7-Eleven. Ils sont donc inévitables.
Multi services...

Jambon beurre vs sushi

Il ne faut surtout pas comparer un conbini (superficie moyenne de 100 m2) avec les G2, Shoppi, Franprix et autres Petit Casino Français, Delhaize City et GB Contact Belges… (de 150 à 500 m2) qui sont des supermarchés en réduction, rien de plus. Service client minimum, offre semblable aux grands frères mais en condensé… je ne parlerai pas de l’ordre, de la propreté, ni du sourire de la caissière. Seul avantage la proximité, toute relative… il n’y a en effet que 23 G20 à Paris, 15 City Delhaize et 39 GB (Contacts/Express/Station) à Bruxelles.

Mais on ne peut pas non plus comparer nos appartements et maisons de ville avec l’habitat du tokyote. Si à Bruxelles 100 m2 est un minimum et 200 la normale, à Tokyo, 30 m2 c’est déjà pas mal. Donc armoires de rangement et frigo sont à l’échelle.
Si chez nous les 35, 37h semaine sont de règle et les transports habitat-bureau relativement aisés, à Tokyo les heures réellement prestées sont proches des 60 et le transport représente facilement 3 heures par jour.

Pour le Japonais, le conbini est donc une extension de son habitat. Ce qu’il ne peut stocker chez lui, c’est au conbini qu’il le garde.
Livraison

Visite guidée

Propreté clinique, les sols brillent et pas le moindre petit papier à terre, pas un seul. Eclairage sur-puissant, la nuit on les repèrent facilement. Ordre militaire, les produits sont parfaitement rangés, alignés au cordeau, facing en avant. Réassortiment régulier, 2 à 3 fois par jour.

Assortiment ciblé, environ 3.000 références. Nouveautés fréquentes, chaque semaine une vingtaine de nouveaux produits. Boissons (froides ou chaudes), repas préparés qui peuvent être réchauffés sur place, grâce aux minimum 2 fours à micro-ondes, surgelés, vitamines, boulangerie, produits laitiers, desserts, journaux et magazines (y compris les mangas porno), cigarettes (on fume beaucoup en Asie) produits de soin corporel,… certains conbinis font même mini pharmacie. Staff jeune et attentionné, principalement des étudiants mais drillés à la japonaise, tout sourire et politesse.

La majorité du temps, il y a du monde, beaucoup de monde dans un espace restreint. Certains clients visitent leur conbini 3 fois par jour, matin midi et soir. Mais pas de nervosité, le Japonais sait attendre son tour mais connaît aussi les règles pour faire la file, déposer ses achats, payer et s’en aller sans tarder. Tout est question d’organisation.
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Service puissance 100

Où le conbini est vraiment différent, c’est au niveau des services. Tout, tout peut y être réglé. D’abord il y a le terminal ATM pour y retirer de l’argent bien sûr mais aussi pour régler toutes ses transactions bancaires y compris les achats en bourse. Et qu’importe sa banque puisqu’elles sont toutes connectées. Les écrans tactiles montrent des dizaines de logos et la navigation est aisée. D’accord cher compatriote, vous direz que vous pouvez faire cela aussi chez vous… mais vous ne travaillez pas 60h semaine plus 3h par jour de transport en commun.

Outre la banque, un autre terminal permet l’achat de billets de train, de voyages, de nuits d’hôtels, de places de spectacle, de cinéma ou de match, de billets d’avion chez JAL ou ANNA. Pour les timbres, pas besoin d’aller au bureau de poste, il y a même une boîte aux lettres dans la majorité des conbinis. Il est aussi possible d’y payer sa taxe vélo. Certains même servent de bureau de vote. Vous avez des photos digitales à tirer, pas de problème, l’imprimante est là aussi, il faut juste connecter son portable ou insérer son memory stick USB et suivre les instructions. Photocopie bien entendu possible. Recharger sa carte gsm, envoyer un fax… of course.

Vous jouez au golf et avez une partie dimanche à 150 km de Tokyo, rien de plus facile que d’y aller en train. Le sac, on le dépose au conbini la veille, on donne l’adresse du club et votre caddy vous attendra avec vos clubs au tee 1. Pour les valises, idem, elle seront avant vous à l’hôtel ou à l’aéroport.

Si vous avez un colis à envoyer ou recevoir, le conbini est le point de ralliement. Votre linge sale, déposez-le le matin, reprenez-le le lendemain. Bien sûr vous avez aussi la possibilité de donner l’adresse de votre conbini pour y recevoir ce que vous avez commandé sur le net, CD, livres ou autres produits. Je vous le disais, le conbini est une extension de son chez soi, une pièce commune sans doute, mais hors du commun !
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Le futur

Le nombre de conbinis venant à saturation et les meilleurs emplacements étant tous pris, ce mode de distribution est en train d’explorer d’autres sources de revenus. Quand on sature, il faut pouvoir monter en qualité. Lawsons le premier vient d’ouvrir ses versions Natural. Logo lie de vin en opposition au bleu cyan de la version standard, murs beiges et non plus blancs, présence de panneaux en bois clair, éclairage plus soft, assortiment sélectif, produits bio, fruits et légumes ultra frais, boulangerie signée de grands chefs,…

Mais ce n’est pas tout, Lawsons commence à ouvrir des conbinis destinés aux seniors. Les rayons sont aménagés pour éviter à papy de devoir se baisser, les étiquettes sont plus lisibles, les portions adaptées aux petits appétits et les produits ciblés « séniors » sont en nombre. Il y a des caddies à roulettes (les conbinis normaux n’offrent que des paniers) et dans certains il y a des zones de repos avec fauteuils de massage. Enfin, les achats peuvent être livrés à domicile. C’est en juin dernier que Lawson a annoncé son projet de convertir 20 % de son parc en « senior muke conbini ». Il faut dire que le Japon compte 21 % de plus de 65 ans contre seulement 13 % en 1990. Soit la population la plus âgée au monde !

Mais il y a aussi une autre catégorie de clients à séduire, les jeunes filles… De plus en plus indépendantes et au pouvoir d’achat élevé, elles représentent une source potentielle de profit très appréciable. Il est bon de savoir que certaines rames de train ou de métro leur sont déjà exclusivement réservées. Côté produits aussi les jeunes filles sont choyées. Quantité de produits (boissons, desserts, repas, snacks,…) ont un look très « fashion ».
Seven Eleven devenu japonais

Les coulisses de la rentabilité

Mais point de conbinis sans une logistique drastique et extrêmement fiable. Les milliers de points de vente doivent être réapprovisionnés plusieurs fois par jour en moyennes quantités de produits à durée de conservation variable de la canette aux surgelés en passant par les repas frais. Les conbinis étant situés dans les endroits très fréquentés, dans des gares, dans des buildings, le transport des marchandises ne peut se faire que par petits véhicules, puis par diable.

Ce qui demande une main d’œuvre importante, travailleuse et dévouée (mais au Japon c’est une évidence). Il y a aussi l’informatique qui gère la réception des commandes, leur chargement, transport et livraison. Il s’agit donc d’une immense organisation très puissante et structurée qui se matérialise en une myriade d’actions, de personnes, de véhicules et de lieux de stockage. Chaque produit est placé sous haute surveillance de rentabilité. Il est tracé dès son entrée en linéaire et devra prouver sa rentabilité par des rotations élevées en deux semaines seulement. On lui laissera une troisième semaine, celle de la dernière chance. Sinon, out, place à un concurrent. Résultat, sur les 3.000 références, 2.000 sont nouvelles chaque année.

;Cette course à la rotation est aussi une façon de satisfaire la curiosité pour les nouveaux produits qui caractérise le jeune consommateur japonais. Et cela marche puisque les 1.000 clients journaliers d’un conbini à Tokyo dépensent chacun près de 1250 JPN (environ 8,25€). Le record absolu est détenu par un Lawson en plein cœur de Tokyo, à Ginza. Il réalise une recette journalière de 2,250.000 JPN (15.000 €) sur une surface de 99m2 ! Nous sommes bien au pays du client roi !

Sites à visiter :

Suyzuki

Englis index

Company

Family

Sunkus

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