Protéger l’immatériel : concepts, design, marques ?

Ryane Meralli est une spécialiste reconnue dans le domaine de la protection des marques.
Mais sait-on que l’on peut aller plus loin aujourd’hui dans le domaine du respect des idées, des concepts et de ce que l’on pourrait appeler l’immatériel.

La France est un grand producteur de l’immatériel. Mais comment protéger ces territoires abstraits ?

Il semblerait que cela bouge un peu, dans ce domaine…

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Quelques coups de projecteur sur le rapport Levy-Jouyet intitulé « l’économie de l’immatériel ».

En novembre 2006, le Ministre de l’Economie Mr. Thierry Breton a reçu le rapport commandé à la Commission présidée par Mr Maurice Levy et Jean-Pierre Jouyet. Rapport qui met en avant : « l’immatériel est aujourd’hui le facteur clé de succès des économies développées ». Le rapport dresse un tableau du rôle primordial que doivent jouer les valeurs immatérielles pour l’avenir et il donne des pistes à explorer pour contribuer au développement futur de la France.

Une palette d’activités, de concepts et de secteurs, qui englobent la création culturelle et artistique, au sens le plus large, le design, la publicité, les marques, etc.

Certes, la France est inconditionnelle des rapports et beaucoup sont sceptiques face à ce énième rapport* mais comme il souligne le rôle du design, des marques et des droits d’auteurs, peut-être que l’on peut en tirer, quelques enseignements.

En effet, explique ce rapport : « Lorsque l’on pense à l’immatériel, c’est souvent la recherche, les brevets et plus généralement l’innovation technologique qui viennent à l’esprit dans un premier temps. Or, s’il est vrai que ces éléments sont des atouts déterminants pour la compétitivité d’une entreprise et même d’une Nation, il ne faut pas oublier qu’il existe également une autre catégorie d’actifs immatériels : l’ensemble du champ des immatériels liés à l’imaginaire. Cela recouvre une palette d’activités, de concepts et de secteurs, qui englobent la création culturelle et artistique, au sens le plus large, le design, la publicité, les marques, etc. Tous ces éléments ont une caractéristique commune : ils sont fondés sur l’idée de création et de créativité, qui constitue en quelque sorte le pendant du concept d’innovation dans le domaine technologique. »

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Où l’on parle enfin d’imaginaire…

Parmi les innovations, le rapport inclut « l’imaginaire et la créativité » et il souligne que « le rôle de ces éléments est devenu essentiel dans la compétitivité des économies développées ».

Le rapport recommande en première ligne de « faire passer » la France dans l’économie de l’immatériel, pour cela il propose plusieurs pistes à explorer et notamment :

Le rôle de l’Etat : au-delà du patrimoine immobilier, la France possède de fortes valeurs immatérielles que sont notamment les marques culturelles françaises. Il conviendra, dit le rapport, de les valoriser au même titre que les actifs immatériels privés.

Dans la même lignée, il ne faudra plus favoriser les situations acquises et réorienter les aides à la recherche et au financement vers les PME innovantes, afin de faciliter leur accès aux marchés, paralysés par les grandes structures.

D’autre part le rapport, souligne l’indispensable protection extra-frontalière, dans un monde global(,) ; les questions doivent être abordées sur le plan européen ou international. La France doit donc favoriser la protection de ses idées au niveau européen et de ses marques au niveau international, notamment par la création d’institutions, afin de lutter efficacement contre la contrefaçon et le piratage.

Le rapport pointe du doigt notre cadre réglementaire vieillissant, l’immatériel est, selon les auteurs du rapport « une économie systémique qui fonctionne en réseau et qui s’exonère des limites de temps et d’espace ». Nos législations sociales et économiques actuelles sont devenues obsolètes à force d’ajouts, il faut donc réformer les réglementations en vigueur, les simplifier et les rendre cohérentes. Il en est de même de nos juridictions, qui en matière de propriété intellectuelle ne sont pas assez pertinentes faute de moyens, ce qui conduit les opérateurs à préférer les juridictions allemandes, hollandaises et même anglaises bien que plus onéreuses.

Le rapport consacre le rôle de l’immatériel pour l’avenir et il place la création, moteur de l’innovation, au centre de la croissance des pays développés. Les professionnels de la création seront donc des acteurs indispensables pour assurer une pérennité au système économique, social et culturel français et contribuer à redorer le blason de la France sur le plan