L’alter design ?

L’alter-consommateur terrorise les équipes marketing des grandes marques…dont il se méfie. Or, comme pour touts les autres consommateurs, il suffirait de bien répondre à ses attentes en matière de communication et de packaging pour les séduire… Consommer oui, mais pas n’importe quoi et n’importe comment.

Ecoutons Fabrice Peltier, le président de l’agence P’Référence sur ce sujet d’actualité.

admirable_design_poubelle.jpg

Alterement correct…

Dès les débuts de la société de consommation, quelques intellectuels, quelques hommes politiques anti capitalistes ou encore pionniers de l’écologien, critiquaient déjà vivement « le confort et le bonheur marchand » comme projet de société. Malgré un pic spectaculaire de la contestation en mai 68, avec le fameux « Cache toi, objet », les mouvements anti-consommation sont demeurés des courants minoritaires. Il s’agissait essentiellement de phénomènes de contre-culture qui avaient un très faible impact sur les comportements de consommation majoritaires.

Mais les choses évoluent. Depuis plus d’une vingtaine d’années, s’affichent à la « une » de tous les médias les risques et les menaces que font poser sur l’homme et la planète un développement incontrôlé. Cela a commencé dans les années 80 avec les grands accidents industriels et les scandales écologiques qui se sont enchaînés de façon exponentielle. Ont suivi, dans les années 90, les affaires liées à la santé publique et les catastrophes supposées être dûes de près ou de loin au dérèglement climatique.

Arrivent aujourd’hui les problèmes économiques et les drames humains liés aux délocalisations. Ces thèmes de l’actualité sont devenus récurrents dans nos journaux. Au fil du temps, nous avons tous plus ou moins pris conscience que le progrès industriel nous fait vivre dans un climat précaire où le risque est permanent. Il apparaît bien que plus nous évoluons, plus notre cadre de vie se fragilise.
admirable_design_marques-4.jpg

Confiance circonspecte dans les marques.

Subtilement, les idées qui hier étaient portées par des courants minoritaires sont devenues en l’espace de quelques années, avec la « montée des périls », des problèmes de fond liés à la société et au progrès. De nombreuses personnes sont désormais sensibilisées. Celles-ci se posent des questions sur ce qu’elles consomment et elle raisonnent leurs achats de manière beaucoup plus responsable.

Que nous les appelions alter-consommateurs, consommateurs engagés, consom’acteurs, consommateurs citoyens, selon Éric Fouquier, président du cabinet d’études et de recherche en marketing Thema, cette population émergente représenterait déjà entre 15,5 % et 24,2 % de la population française âgée de 15 ans et plus. Contrairement aux idées reçues, l’étude démontre que les alter-consommateurs ne sont pas des passéistes. Ils ont le regard résolument tourné vers le progrès, mais un « autre progrès » qui prône des valeurs de développement durable. Ils sont cultivés, actifs, donc solvables et surtout, ils ne sont pas « déconsommateurs ». Au contraire, ils dépensent plus que la moyenne sur un grand nombre de produits bien ciblés et porteurs de valeurs incontestables.

L’alter-consommateur privilégie la marque, mais il la souhaite discrète, caution des valeurs du produit, plutôt que vecteur d’image et de statut. Il ne croit pas que les marques connues soient les meilleures et il refuse catégoriquement l’idée que le choix d’une marque contribue à améliorer l’image de la personne. Inutile alors de rendre le logotype prédominant sur le packaging.

L’alter-consommateur souhaite être informé sur les valeurs éthiques de la marque et sur ses engagements en faveur du respect de l’environnement sans que cela puisse s’apparenter à de la publicité. Car il a horreur d’être traité comme un consommateur lambda, il veut être traité comme un sujet intelligent et responsable.
admirable_design_alter_cons.jpg

Vers « l’alter packaging ». informatif et sobre.

Tout comme la publicité l’est en règle générale, le packaging pourrait assez rapidement être rejeté par les alter-consommateurs s’il ne s’adaptait pas rapidement à leurs attentes. Les marques vont donc devoir revoir leur copie et considérer leurs emballages comme des espaces de communication beaucoup plus larges. Outre le traditionnel discours sur les qualités et le mode d’emploi du produit, il va falloir s’expliquer sur son mode de production avec une part artisanale si possible, sur son identité culturelle locale ou historique, sur ce qu’il apporte dans l’art de vivre… Les marques vont devoir présenter des garanties et donner des exemples prouvant leur implication dans le développement durable et les comportements équitables.

Ainsi, pour parler aux alter-consommateurs, le packaging va devenir une véritable profession de foi avec des visuels qui expriment plus d’authenticité, de sincérité et de naturel. Être tout simplement « alterement » correct…