Civilisation et marques…

Les marques et logos sont remis en question régulièrement.

Patrice Civanyan de l’agence Lewis Moberly, les considère sous l’angle de la culture, en tant que reflet de notre civilisation.

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La Marque – Acte de civilisation ?

Il est de plus en plus difficile d’ignorer le vent de remise en cause de notre société de consommation dénoncée médiatiquement par le succès planétaire du livre No Logo de Naomi Klein et reprise depuis par tous les mouvements de l’alter-consommation. Et cela même si les indicateurs de la consommation sont toujours orientés à la hausse. Si on prend l’exemple de la France, sur l’ensemble de l’année 2006, la consommation des ménages en produits manufacturés, qui représente le quart de leur consommation totale, a augmenté de 4,3 %, soit leur plus forte hausse depuis 2000 !

Comment les entreprises peuvent-elles gérer ce vent défavorable ?

Tout d’abord en les reconnaissant et en imaginant dès à présent des réponses. Si on revient à l’origine du commerce, on s’aperçoit qu’il était source de richesses matérielles mais aussi d’échanges culturels, chaque nation s’efforçant de vendre ce qu’elle faisait ou possédait de mieux.

La dimension culturelle d’un commerce est donc partie intégrante de ce commerce – à plus forte raison lorsque ce commerce opère sous la forme d’une marque.

Cette dimension culturelle ou « chair » des marques semble être passée au second plan dans bien des entreprises au bénéfice d’un discours centré sur l’innovation produit et une communication publicitaire novatrice. Si innovation et communication sont primordiales, elles restent court-termistes car chaque nouvelle innovation chasse la précédente et une publicité est toujours limitée dans le temps. Or c’est précisément cette dimension culturelle, humaine qui semble manquer aux « non-consommateurs » avides d’histoires, de valeurs, enclins à voter quand ils achètent.
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Cette dimension culturelle intègre les origines de l’entreprise, son histoire, sa fondation, ses valeurs « réelles et personnelles » par opposition aux valeurs génériques de la catégorie, sa vision, son identité de marque, ses codes d’expression ainsi que toutes les valeurs de création et de production associées à ses produits, ses services et à son savoir-faire.

Au moment où les distributeurs tirent de plus en plus la couverture à eux, il est bon de rappeler que la dimension culturelle de l’entreprise et de ses marques constitue un avantage concurrentiel dans la mesure où les distributeurs ne peuvent la copier mais seulement proposer la leur en tant que distributeur, comme Système U et ses « nouveaux commerçants ».

Quelles conséquences concrètes pour les directions de marketing ? Ne pas seulement « muséifier » son histoire mais la communiquer d’une manière moderne tant à l’interne qu’à l’externe. Exprimer sa vision et ses valeurs sans langue de bois, d’une manière distinctive au-delà des poncifs. Rassembler et animer une communauté de clients fidèles qui deviennent des ambassadeurs de la marque. Penser sa marque comme un acte de civilisation.
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Quel meilleur exemple que celui de Harley Davidson ? Une marque qui a failli disparaître au tournant des années 80 alors que sa capitalisation boursière aujourd’hui dépasse celle de Général Motors avec un chiffre d’affaires 40 fois inférieur !

Les 600 000 clients de la Marque forment un club qui se retrouve les week-ends et même en vacances pour partager leur passion commune. Certains de ses évènements peuvent rassembler jusqu’à 25 000 membres !

Plus près de nous, les marques de luxe nous montrent le chemin : Louis Vuitton n’hésite pas à ressortir son « Louis Vuitton Inventeur » sur sa dernière collection de sacs promue par l’actrice Scarlett Johansson, développe sur son site une rubrique Savoir-Faire et organise une course d’automobiles classiques en Europe de l’Est, the Boheme Run.

Kevin Roberts, CEO de Saatchi & Saatchi ne prédit-il pas que les lovemarks remplaceront un jour les trademarks ? En attendant, n’oublions pas la culturemark et de quoi la nourrir !