Identité sonore et… mondialisation !

Le rapport à la musique change partout dans le monde. Pour en tirer profit, les marques doivent être audacieuses et vigilantes. Qui est plus qualifié que Michaël Boumendil – président fondateur de l’agence Sixième Son- pour donner son opinion sur le sujet de l’identité musicale des marques face à la mondialisation ?

Les design musicale ou sonore, est encore un sujet trop méconnu en France…

Michaël Boumendil

La mondialisation est-elle un appauvrissement… musical ?

Ceux qui voyagent beaucoup s’en rendent compte les premiers. Les centres villes du monde entier se ressemblent de plus en plus. Les mêmes enseignes aux mêmes produits, aux mêmes vitrines occupent un espace grandissant partout dans le monde. La musique, de son côté, n’échappe pas à une forme de mondialisation. Les mêmes artistes avec les mêmes chansons squattent le haut des charts dans tous les pays et, signe des temps, Madonna abandonne sa maison de disque pour rejoindre « Live Nation » une société du groupe Clear Channel spécialiste des grandes tournées… internationales, bien sur.
C’est une certitude. La musique se vulgarise nous seulement par l’explosion des ventes des baladeurs numériques et autres i-pod mais également par la diffusion indistincte et packagée des mêmes contenus partout dans le monde. Cette tendance de fond, qui touche toutes les tranches d’age, représente-t-elle un danger d’appauvrissement musical ?
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Musique locale contre musique globale

Pour autant qu’on puisse en juger, à ce jour, les musiques locales et notamment les musiques traditionnelles trouvent elles aussi un second souffle assez surprenant dans cette explosion de l’exposition musicale. Comme la cassette en son temps, les nouveaux outils de diffusion bénéficient également à ces musiques plus rares. Elles côtoient dans les baladeurs les blockbuster occidentaux et trouvent de nouveaux publics ailleurs dans le monde. Sans complexe et avec créativité, les musiques arabes, indiennes, chinoises se portent bien et même de mieux en mieux. Les créateurs africains touchent un public grandissant et l’on entend des chants yiddish aux quatre coins du monde à l’heure où plus grand monde ne parle cette langue.

Une fois n’est pas coutume, la mondialisation a d’une certaine manière su créer de la diversité et faciliter la rencontre des cultures dans une logique où le plus fort n’écrase pas le plus faible. De façon plus surprenante encore, le grand gagnant de ce mouvement pourrait être la marque. En effet, se faire comprendre, se faire identifier et apprécier partout dans le monde est devenu l’un des enjeux majeurs du développement des entreprises. Avec ce nouvel ordre mondial de la musique (NOMM), la marque peut décider de prendre ce vocabulaire mondialisé et partagé ou choisir de segmenter son discours musical pour exprimer ce qu’elle est, ce qu’elle fait, ce à quoi elle aspire.

A vos marques, prêts, sonnez !

Depuis 5 ans que le développement des projets internationaux explosent chez Sixième Son, nous avons pu expérimenter cet aspect des choses et nous conforter dans cette vision que la musique est véritablement devenu un langage univers, non pas en s’appauvrissant mais en s’enrichissant. Avec une approche identitaire assumée et une recherche créative approfondie nous avons pu démontrer que la marque, à certaines conditions, a la capacité de se faire musicalement comprendre partout dans le monde. Deux cas emblématiques, suffiront à illustrer ce propos.
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Lorsque nous avons créé l’identité sonore des téléphones Samsung, nous avons soufferts dans nos relations commerciales avec notre client à Séoul. Les Coréens ont des habitudes de travail qui ne sont pas les nôtres, des expressions qui – pour des occidentaux – peuvent prêter à confusion. Autant ce fut parfois humainement compliqué autant ce fut facile créativement parce que, après quelques mois de recherches exploratoires et d’analyse du patrimoine de marque, nous avions circonscrit et définit un vocabulaire musical à la fois mondial, riche et singulier. Et le résultat est à la hauteur de nos espérances à tous. Cette identité sonore est un formidable succès de l’avis de Samsung mais aussi de ses concurrents.
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Nous venons d’achever la création de l’identité sonore de Royal Air Maroc. C’est une marque formidable, dont le nom évoque tout : la Royauté, les Cieux, la magie marocaine. Ce qui a été difficile, ce n’est pas de créer une identité sonore aux racines marocaine mais de savoir de quoi nous voulions parler, quelle valeur nous revendiquions et quelle trace nous voulions laisser. La musique marocaine est riche d’instruments très singuliers, d’une centaine de modes musicaux – contre 2 en Occident- , de près d’une cinquantaine de styles folkloriques allant de l’arabo-andaloux à la musique gnaoua. Nous avons décidé d’en digérer les racines et de nous tourner vers le futur, la magie, la majesté au cœur de la marque. Une approche, loin des clichés, et qui fera la différence pour les clients mais également pour l’interne.

Tout irait donc pour le mieux dans le meilleurs des mondes. Il y a certes une vraie opportunité de communication pour les marques. Cette capacité de compréhension mondiale est une vraie chance, un gain de temps et d’argent au service de l’identité. A une condition : celle d’assumer ses choix, de revendiquer fortement des valeurs qui ont du sens et qui échappent aux clichés. La mondialisation créée, de fait, une concurrence plus forte entre les signes – visuels ou sonore -. Là où l’on cherchait le neutre il y a 30 ans, pour éviter le contresens, il faut aujourd’hui bien ciseler son discours. Sans quoi, le vrai risque est de parler… pour ne rien dire.