Quand le banal devient luxe : le steak à 40 € !

Brice Auckenthaler fondateur d’Experts Consulting et Jean-Jacques Evrard (Pentawards) portent un regard… d’experts sur un curieux phénomène, en particulier en période de crise de la consommation : l’offre de produit courant mais d’une haute qualité à des prix vertigineux…

Un regard qu’ils partagent avec les lecteurs d’Admirable Design car
le design est concerné par ce phénomène, bien entendu…

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Le steak à 175 € le kilo, le melon à 100 €…

C’est au Japon que cela se passe. Evidemment !
Une boucherie aux allures zen, où tout est dépouillé, aseptisé, épuré, maîtrisé, réfléchi.
De belles armoires frigos aux lumières LED. Peu de pièces de viande mais présentées comme des oeuvres, pas de sang, pas un déchet, la viande matière pure et noble. Le boucher, concentré et sérieux, armé de lames de samouraïs. Son geste est chirurgical, parfait, la découpe impeccable. L’emballage : une longue feuille séchée de plante exotique aux vertus anti-bactériennes. Sur une table à l’écart, quelques sachets renfermant les farines dont on nourrit le bétail. Car pour obtenir une telle qualité, il faut des animaux sélectionnés et nourris au « caviar » ! Les prix sont indiqués par 100 grammes.

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A Midtown, l’ensemble commercial le plus select de Tokyo, se trouve Sun Fruits. A première vue, on dirait un fleuriste. Des vitrines frigo sur-éclairées dans lesquelles des montages très colorés attirent le regard. Un comptoir garni de dérouleurs de rubans multicolores. Beaucoup d’espace pour circuler librement d’une vitrine à l’autre. Mais point de fleurs, seulement des fruits. Les plus beaux, au sommet de la qualité. Une présentation raffinée, souvent de splendides boîtes en bois blond marquées de calligraphies élégantes à l’encre noire. Rehaussée du cachet rouge, signature idéogramme du cultivateur. Des melons à la peau au dessin incroyable, dont le pédoncule à été élégamment torsadé de mains de maîtres en bonzaïs.
Une mangue vaut 100 €, un melon, accompagné d’un certificat d’origine, le double…

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A l’éclairage de la crise économique qui nous frappe, s’agit-il d’un commerce dépassé ou précurseur ?
Après des années d’abondance et de trop de tout, n’allons nous pas consommer plus frugalement ? En privilégiant la qualité à la quantité, en dégustant les yeux fermés plutôt que de les avoir plus gros que le ventre ?
En préférant le travail des artisans passionnés à celui des usines automatisées ? Difficile à dire. Il s’agit bien sûr de cas isolés dans un pays gigantesque où le luxe et la qualité font partie des gènes.
Mais le designer (et le marketeer) ne peut pas rester insensible à ces modes de commerce naissants.

Pour y puiser matière à réflexion et pour y nourrir sa créativité… à 300 € de l’heure !