Au commencement était la marque ?

N’allez pas croire que le design mène automatiquement à Dieu ! Mais pour Cyril Gaillard de Bénéfik, en homme de mots et de marques, Dieu ayant le pouvoir de nommer, peut-être que…

Mon père, nous vous écoutons…

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De Babel à Babybel

S’il est parfois difficile de convaincre qu’un nouveau nom peut devenir une nouvelle marque c’est en grande partie parce que l’acte de nommer à quelque chose de sacré. Il arrive aux linguistes et aux historiens de s’entendre sur le fait que l’on ne sache pas exactement comment sont apparues les langues. Sont elles nées a partir d’une racine commune ou bien en des endroits du monde et à des moments différents ?

Reste que l’on ne s’étonne pas qu’un Français nomme cheval le noble animal pendant qu’un Anglais galope sur un « horse » ; que les Français lisent des livres, les Anglais des books…Babel est un épisode mythique de plus pour expliquer que les humains utilisent des mots très différents pour désigner les mêmes choses.

Les mots sont des assemblages de lettres totalement arbitraires comme si une main de géant s’était amusée un soir de cuite sévère a remuer un scrabble dans tous les sens et à dire une fois terminé : cette drôle de chose verte s’appelle une feuille, cet humain miniature se nomme un enfant etc. Il faudrait être presque fou pour se dire que toutes les choses qui nous entourent pourraient porter des noms différents.

C’est pourtant bien le cas. Bien sur il y a des origines, des groupes de langues, des sources communes, des étymologies, des histoires. Un mot évolue mais sa naissance première reste difficile à expliquer et, encore une fois, est totalement arbitraire.

Mais lorsque dans nos sociétés contemporaines, il arrive que nous ayons besoin de nommer une chose, nous ne partons jamais de rien. Nous sommes tous conditionnés dans le bain de notre culture.

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Trouver le nouveau nom d’une nouvelle marque, c’est toucher à notre inconscient fondamental qui chaque jour nous fait apparaitre comme naturelle la correspondance des noms et des choses. Nous avons alors le choix d’utiliser un nom existant pour désigner une nouvelle entité, société ou produit, qu’importe ; c’est la solution la plus simple, ou bien d’inventer un nom, un néologisme. Pour les religions du Livre, Dieu est identifié au Verbe à partir duquel il décide de la création du monde.

Pour le Judaïsme en particulier, les lettres sont vivantes et viennent à tour de rôle tenter de convaincre Dieu de les placer en premier dans le nouvel ordre.

Ainsi le pouvoir de Dieu est avant tout celui de nommer, les choses n’existent réellement que lorsqu’un nom les définit. Le nom donne vie, il est le début d’une identité et aujourd’hui encore, le début d’une identité de marque.

Le droit a toujours encadré les noms. Sur le plan religieux, nommer est l’expression fondamentale de la puissance divine. Le nom précède la chose qui existe en lui donnant le droit d’exister.

Tout naturellement, il a fallu protéger les noms dans nos sociétés d’échanges commerciaux dés l’instant qu’un nom permet en partie la protection d’une marque. De Babel à Babybel, les noms de marques sont protégés comme des coffres fort. La création de néologismes est un art compliqué exigeant tout à la fois de s’appuyer sur des noms existants pour mieux pouvoir s’en détacher pour trouver des noms libres.

D’une certaine manière, le débat sur l’existence de Dieu peut être clos. Car si Dieu existait, à n’en pas douter il demanderait des tonnes de droits d’auteurs. Hors personne me semble t-il ne reverse de royalties pour les mots que nous utilisons chaque jour.

A moins que tôt ou tard, il y ait un prix à payer…

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