Et si les artistes étaient des marques ?

Gonflé Neil Wood
Design Director/Curator, de suggérer que l’art et les artistes ne sont qu’ affaires de marques ! Choquant ? Lisez plutôt, en sachant que Neil est un designer – conservateur d’art, artiste lui-même, enfin en bref, un mutant.

Donc il sait de quoi il parle.

Lisons et réfléchissons…

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Les artistes ne sont pas des marques ! Ah bon ?

L’art, accompagné de ses protagonistes, prêcheurs et disciples, se serait-il hissé à une telle hauteur, comme un château dans le ciel, qu’il résisterait dans un air rare et exclusif, en dehors de toute contamination du bas monde des marques et du marketing ? Foutaises !

Tout d’abord, munissez-vous d’une copie d’Artforum – n’importe laquelle – et parcourez les premières 150 pages (oui, d’accord ce truc est épais) et maintenant, que ressentez-vous ? Cela ne peux pas vous laissez indifférent car vous êtes en train de parcourir un monde de marques et de pouvoir. Vous avez soit l’image qui vous enfonce les yeux par sa puissance ou l’artiste qui vous assomme par la sonorité mythique de son nom, ou, de préférence – les deux.

Vlan.

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Ensuite vient la caution légendaire de la galerie, du musée ou de la fondation – et là nous avons déjà une enfilade de preuves pour vous démontrer que les artistes sont des marques, que leurs œuvres sont des marques aussi et que les émetteurs également, et encore plus, sont des marques.

Tout cela vous le saviez déjà ? Non, vraiment ? Et regardez ces listes de noms à n’en plus finir et dites-moi lesquels vous reconnaissez. Il y en a toujours au moins un, la star, pour tirer tous les autres vers les cieux. Pas convaincu ? Tout cela, c’est de la com ?

Allons plus loin dans ce cas. Avez-vous déjà essayé – vous qui êtes dans le métier du design ou du marketing – d’aborder un professionnel du monde de l’art en lui parlant comme si ses poulains d’artistes étaient, finalement, qu’une série de marques et que les œuvres produites par ces petits génies l’étaient foncièrement par association, aussi ?

Vous pouvez avoir la certitude que cette formulation des choses aura un effet glaçant sur la conversation et avec un peu de chance il vous dira, sans laisser apparaître la moindre émotion, que c’est une façon cynique de voir les choses. Sinon il restera muet – car le silence est la pire des réponses et une forme certaine de mépris. Tout cela ne se dit pas dans le monde de l’art, après tout.

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Qu’en pensent les artistes, eux ? Suffit de regarder. Nombreux sont-ils à travailler sur la question du statut de l’art dans la société, l’œuvre commodité et la valeur marchande de celle-ci face à la côte de son auteur. La valeur de sa propre marque, en outre, la ‘brand value’.

Nombreux aussi, sont ceux qui dénoncent l’hypocrisie d’un système fou, allant jusqu’à surfer sur une vague de contestation artistiquement mise en scène – témoin, l’artiste anglais Merlin Carpenter – qui signe ‘Die Collector Scum’ (Meurs, pourriture de collectionneur) sur ses toiles lors de ses vernissages au grand désarroi de ses marchands. Je précise en passant que ses toiles se vendent comme des petits pains pour quelques dizaines de kilos euros pièce et que les marchands font semblant d’être offusqués sinon pourquoi est-ce que je serais en train de vous en parler aujourd’hui ?

Qui est cynique, me dites-vous ?

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Finissons par un petit voyage en Suisse à la grande messe mondiale de l’art contemporain. Oui, vous l’avez deviné, il s’agit d’Art Basel – ou, version non ‘brandée’ – le salon d’art contemporain de Bâle. Laissez-moi vous guider un instant car ce pèlerinage demande un peu de préparation physique et mentale et le jeu dure environs deux jours. Le but est simple mais n’est pas toujours évident ; il faut deviner le nom de l’artiste à chaque fois que vous posez les pieds devant une œuvre et cela sans tricher (sans regardez les étiquettes à côté).

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Alors prêt ? Allons y ! Pssst, la galerie Gagosian ne colle jamais d’étiquettes à côté.
Vous voyez, c’est facile ! Au bout de quelques heures on commence à reconnaître ses marques et à distinguer son Baechler de son Bochner, son Condo de son Longo et ainsi de suite. Si vous êtes comme moi, tombé dedans très jeune, ce jeu est plutôt amusant.

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Mais ce phénomène de l’artiste-œuvre-marque ne devient vraiment omniprésent que lorsque que l’on est confronté à des centaines et des centaines d’œuvres, toutes plus belles, plus envoûtantes, plus spectaculaires les unes que les autres et du coup il faut avoir de la résistance pour terminer le jeu.

Mais voila, la foire est terminée, vous pouvez rentrer chez vous, au château dans le ciel, ce n’était qu’un rêve après tout.

Neil Wood a exposé quelques œuvres chez Admirable

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