Gérard Mermet : La place du design dans la société d’aujourd’hui

Gérard Mermet est ce sociologue qui depuis 20 ans décrypte les moeurs des Français au travers de sonFrancoscopie (Larousse). Auteurs de plusieurs ouvrages, conseil auprès des hommes politiques comme des entreprises, il fait de nombreuses apparitions dans les médias sur les questions de notre société contemporaine. Mais comment voit-il la place et le rôle du design dans notre environnement ? Gérard Caron lui a posé quelques questions qui lui brûlaient les lèvres.

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GC : Le design semble avoir trouvé sa place dans le mode de vie des Français …

GM : Incontestablement. Il y a plusieurs raisons à cela.

Le design est « porteur de beauté », car dans le monde des produits, il est le médiateur entre l’industrie et l’art ; même si ce n’est pas de l’art, le design est ressenti comme une forme d’art populaire.

Il est un puissant facteur de différenciation dans un univers qui se standardise et se banalise. Les gens entrent en résistance vis à vis de la consommation ! Ils rejettent l’idée de l’industrialisation pour l’alimentation, la mode, les vacances. On passe de la société de consommation à la société de consolation …

francoscopww.jpgGC : La place du design évolue donc dans notre société ?

GM : Bien entendu, dans la mesure où l’on a remis en cause le mythe du progrès. Le progrès nous a entouré de tas de produits ou d’objets qui se sont révélés être des cadeaux empoisonnés : le téléphone portable qui privilégie l’instrantané, l’improvisation au long terme, la carte de paiement pour mieux se surendetter, l’informatique qui peut nous mettre ne fiche, etc. Mais quel sens cela donne-t-il a notre vie ? Quelle vision avons-nous du futur ?

C’est dans ce contexte défavorable, de désenchantement que le design réenchante notre vie ; pas un objet designé en particulier bien sûr, mais l’ensemble du design qui nous entoure.

GC : le design réenchanteur ?

GM : On a cru un moment que la science allait remplacer la religion. Déception. On a cru également dans les grands mouvements politiques. C’est là aussi la faillite. Alors, cela donne peut-être à l’entreprise, dans une certaine mesure, le devoir de réenchanter le monde ! ! Et le design en est un des moyens privilégiés.

Puisque l’on a perdu le sens, on redécouvre les sens. C’est ici que le design justifie sa place.

GC : Comment voyez-vous évoluer le rôle du design ?

GM : Notre société est celle de l’émotion beaucoup plus que celle de la raison. Nous sommes dominés par le court terme, nous n’avons plus de perspective pour nous projeter en avant (c’était le rôle de la religion).

Le design peut et doit exprimer des valeurs. Il ne doit pas être que facteur de modernité et de transgression, sinon, il réduit considérablement son rôle. Il doit remplacer les anciens codes par des nouveaux et s’en expliquer, être porteur de valeurs, représenter une vision.

GC : A vous écouter, quelle lourde responsabilité que la nôtre …Quel est donc le profil de designer du futur ?

GM : C’es avant tout un altruiste, qui aime à faire plaisir, qui écoute l’autre. Cela peut sembler être le contraire du créatif type qui est plutôt égocentrique et introverti ! Il devra aussi être cultivé, ce qui veut dire qu’il doit être capable d’intégrer des éléments disparates …et posséder sa propre représentatiopn du monde fondée sur des expériences objectives. Bien entendu il doit être capable de transcender cette expérience pour la projeter dans l’imaginaire. Alors il est capable de créer des objets qui possèdent une force d’évocation. Car le public demande des objets qui l’enmène ailleurs.

Dans la mesure où nous sommes conditionnés par notre environnement, on comprend que le designer a une responsabilité sociale. Et il doit en prendre conscience.
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