Devenus des marques, les artistes ? (1)

Aurélien Sooukian
co-fondateur et directeur de By Music analyse la situation de la marque quand elle utilise les artistes pour leur notoriété.

Un duo gagnant ? Un marché de dupes ?

Aurélien sait de quoi il parle, alors écoutons-le…

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D’un côté, les annonceurs…

L’abondance des messages publicitaires adressés au
consommateur, la volatilité croissante des clients ou encore l’essor d’Internet –
support de milliards de contenus à haute valeur ajoutée – sont autant de
phénomènes pouvant entraver la visibilité des marques. Qui, aujourd’hui, ne juge pas
les ondes saturées ? Le paysage audiovisuel surencombré ?

De l’autre côté, les artistes et l’industrie du disque : démocratisation des outils de
production audio, accessibilité offerte par Internet pour faire découvrir son talent (ou
pas) au monde entier, fin du disque comme relais de développement unique… les
créateurs de musique profitent de la révolution numérique mais doivent parallèlement
redoubler d’efforts pour espérer trouver leurs publics et se constituer une fanbase
rentable.

Et si dans cette nouvelle configuration les deux univers s’associaient pour créer du
contenu ? Si le pouvoir médiatique et la puissance financière des premières
servaient l’éclosion des seconds ? A moins que ce ne soit la notoriété d’artistes
confirmés qui permettent à des campagnes de communication de décoller en
quelques jours ?

Des synergies à haute valeur ajoutée
Les stratégies « traditionnelles » de développement tant pour les entreprises que
pour les artistes et les labels ne suffisent plus. Le nouvel environnement de marché,
sur fond de conjoncture difficile, oblige les deux parties à faire preuve d’une grande
inventivité pour continuer à générer de l’attirance, de la préférence et donc du
succès. C’est ainsi que marier harmonieusement marque et musique dans des
conditions originales est devenu l’un de leurs nouveaux enjeux. Qu’il s’agisse de
lancer un produit ou rajeunir un coeur de cible, le nombre d’associations explosent
car les synergies foisonnent.

Cette tendance a pris ces derniers mois de nombreuses formes dont la seule limite
est l’imagination : multiplication des concerts et festivals organisés par les marques
elles-mêmes (Paco Rabanne, Heineken…), synchronisation de titres « forts » en pub
TV (Weezer/La Banque Postale, Jil is Lucky/Kenzo, Yael Naim/Apple…) jusqu’à la
vente en avant-première de tickets de concerts aux clients d’une entreprise (Alicia
Keys/Amex). Les bons partenariats ont également cet avantage de faciliter le
storytelling des deux côtés. On se souvient que la chanteuse Izia, au-delà de son
réel talent, doit certainement une partie des récompenses obtenues aux dernières
Victoires de la Musique à sa mise en avant dans la publicité Petit Bateau. La marque
de vêtement quant à elle, perçue au passage comme révélatrice de nouveaux
talents, tire parti de la récente explosion médiatique de l’artiste.

Une stratégie win/win
dont le modèle va très probablement faire des émules dans un avenir proche.

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Quand la musique est au coeur du « brand content »…

Les marques comme les artistes ont donc besoin de créer un contenu singularisant
et doivent désormais adopter une logique de storytelling pour se développer. Le
sponsoring est une des options fréquemment choisie.

Parmi les précurseurs, Paco
Rabanne poursuit le Black XS Live Show, et illustre son parfum féminin par un tour
du monde musical en s’associant aux Français de la Blogothèque : ils réalisent des
« concerts à emporter » (un concept à adopter), dans neuf pays du monde (Japon,
Turquie, Espagne, Canada, Royaume-Uni, Argentine, Mexique, Chili et France) pour
faire découvrir de nouveaux artistes venus de tous horizons. Faites donc un tour sur
leur site et visionnez des vidéos insolites prises sur le vif, au coeur des grandes villes
d’Europe et d’ailleurs !

Diesel U Music label, créé par le grand nom du jean, fait toujours le buzz une
décennie après sa création, avec pour projet la promotion d’artistes non signés.

Le
Myspace, bien qu’un peu chargé, vaut le détour. Plus collaboratifs encore, certains
nous enrôlent dans des compétitions épicées. Pour se montrer, s’amuser, faire des
rencontres ou décrocher le gros lot, le citadin prend les baguettes et orchestre la
com’ de la marque brésilienne Havaïanas qui a lancé cet été une opération solaire à
double enjeu : l’agence Enjoy ADS invite les volontaires à se rendre chaque jour
dans un magasin de la marque et à y retirer un code pour se procurer en ligne des
goodies exclusifs, et même une paire de tongs pour les plus assidus !

Mais le coeur
de l’opération, annoncée sur tous les réseaux sociaux que nous fréquentons, se loge
sur le site e-commerce de l’enseigne : les internautes doivent y mixer un clip à partir
de sons tonguesques uniquement !

Même dans des secteurs moins funs comme l’assurance ou la banque, on use du
co-branding dont les applications, à renfort de milliers d’euros, ne passent pas
inaperçues. Il y a ainsi désormais de la musique dans votre Carte Bleue : depuis 3
ans, le marketing se plie en quatre pour entrer dans une puce électronique et la
Société Générale fait du bruit avec So Music, la carte de paiement Universal Music.

Elle permet (aux ados, en général) d’accéder à des offres promotionnelles sur le
téléchargement légal de titres en ligne (www.somusic.fr), à 4 chaînes Web TV, à des
cadeaux divers, et surtout à des offres de stages et d’emplois en lien avec la pratique
musicale…Ici, chacun des deux acteurs tire parti de l’image de l’autre. Bon, 24 euros
par an, le tarif est raisonnable et adapté à la cible, jeune. On regrette seulement que
les playlists proposées ne soient pas suffisamment riches et diversifiées.

à suivre