JO 2018, l’échec d’Annecy. Le design en cause ?

Sérieuse déculotée pour les Français. Seules 7 délégations nationales ont choisi Grenoble pour les JO d’hiver 2018, contre 63 pour Pyeongchang et 25 pour Munich !

Yvan Teypaz, urbaniste designer donne à Admirable Design son analyse des causes de cet échec cuisant.. en commençant par y déplorer l’absence de designer dans le projet !

Incorrigible France !…

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Ce 02 juillet était votée la ville qui organisera les Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver 2018. En lice, Annecy défendait les chances françaises face à Munich et Pyeongchang.
C’est finalement la ville coréenne qui a été, logiquement, choisie, après 2 tentatives infructueuses (pour 2010 et 2014). La polémique enfle autour des 24 millions d’euros dépensés. De quoi poser quelques questions au designer de ville que je suis…

1 – Pourquoi des Jeux Olympiques

Les Jeux sont mondiaux, donc pas forcément très accessibles aux locaux, mais ils poussent les investissement pour construire des routes, des gares modernes, de l’accueil, etc. La première raison d’accueillir un tel événement est donc la facilité qu’il apporte pour construire de grands équipements.

La deuxième est l’exposition médiatique. Les J.O. restant les meilleures audiences de la télévision, ils apportent une publicité internationale sans équivalent pour la ville hôtesse.

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D’ailleurs, ça marche aussi au niveau national puisque parmi les prétendantes à la candidature française, Annecy avait été en concurrence avec Nice (avec l’argument mer – montagne), Grenoble (qui souhaitait célébrer les 50 ans de ses Jeux de 68) et… Pelvoux, station au pied des Ecrins qui ne bénéficie pas d’autant d’image que les grandes stations savoyardes et dont on se doute qu’elle espérait plus être repérée que sélectionnée. On appelle cela le « marketing territorial » !

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2 – Pourquoi Annecy

Les polémiques n’ont pas attendues la décision du C.I.O. puisque Christian Estrosi, maire de Nice fustigeait un « dossier plus fragile » préféré à la candidature de sa ville « originale, solide, avec tout ce qu’il fallait au plan financier ».

Dans les Alpes aussi la colère grondait. Les retombées attendues devaient atteindre 4,5 milliards d’euros de recettes (pour un investissement évalué à 3,9 milliards, si ça ne doublait pas en cours de chantier) et 35.000 emplois, emplois temporaires que le C.I.O. fait contractualiser déconnectés du droit du travail français et communautaire. Donc ce n’est pas du long terme pas plus pour l’économie locale c’est bien le fameux « dumping social » cher aux campagnes électorales.

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3 – La candidature annécienne

Cette candidature est d’abord une volonté d’entrepreneurs locaux qui ont su séduire les politiques avec l’impact économique des Jeux sur un territoire. Les sportifs ont tout de suite porté le projet aux côtés des politiques, eux-mêmes anciens sportifs (Jean-Luc Rigaut le maire d’Annecy est triple champion du monde de canoë avec Gilles Bernard).

Parmi les forces du dossier haut-savoyard, le Mont-Blanc, point culminant de l’Europe occidentale, l’histoire des Jeux d’hiver nés à Chamonix, les infrastructures déjà présentes (jusqu’à la piste de bobsleigh de La Plagne à 100km), le lac d’Annecy réputé le plus pur d’Europe, et l’appui de Genève qui avait retiré sa candidature au profit d’Annecy.

L’attente actuelle autour de l’environnement poussait le dossier vers « une certaine forme d’excellence environnementale et technologique » et notamment sur l’amélioration du trafic ferroviaire.

On s’attend à une débauche de moyens techniques et financiers pour les olympiades 2014 organisées en Russie, il s’agissait donc d’« organiser les jeux de la Montagne, de la Jeunesse et de la modernité dans le respect de l’environnement naturel exceptionnel et préservé » pour présenter un olympisme à taille plus humaine, plus traditionnelle.

En revanche la gestion par les sportifs n’a pas fonctionné, Edgar Grospiron ancien champion de bosses a cédé sa place à Charles Beigbeder patron médiatisé. J’ai tendance à penser qu’un changement de direction dans la dernière ligne droite symbolise le manque de cohésion et de stratégie initiale.

Reste que les Jeux sont accordés à des villes qui se les sont vus refusés plusieurs fois de suite, et qu’il ne faut pas se décourager aux premières difficultés.

Par exemple, Pyeongchang s’acharne depuis 10 ans. Ils ont de quoi être fiers de leur victoire. La question du coût est une autre affaire, on parle pour cette dernière candidature de 100 millions d’euros, en plus des 2 précédentes ratées. Mais le domaine skiable le plus couru de Corée espère 42,5 milliards de retombées dans l’économie nationale et pourquoi pas un rapprochement politico-sportif avec la Corée du Nord, éternelle sœur ennemie.

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4 – Design olympique ?

Alors du design, dans ces Jeux ?

La tendance actuelle aurait été de faire appel à des grandes signatures (Philippe Starck déjà au crayon pour Albertville 1992 ou Matali Crasset par exemple) pour dessiner la flamme et les centres d’accueil. Le dossier de candidature présente des projections pour le théâtre des cérémonies, les villages olympiques et le centre des médias, mais rien sur les aménagements, les produits, ni les actions qui valoriseraient l’environnement dans le parcours des spectateurs.

Même si le succès ne se joue pas sur ces points, ils montreraient que la réflexion est allée jusqu’aux petits détails qui comptent au quotidien pendant ces deux semaines.

Je me dois de citer Euro RSCG et Visuelys pour les travaux graphiques réalisés pour la candidature (affiches, web, dossier).

Pour le reste, nulle trace de design dans cette candidature…

Et si le prochain comité de candidature était présidé par un designer ?

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Alors, prêts pour la deuxième tentative ? A moins que l’on apprenne l’organisation surprise des J.O. d’hiver 2022 au Qatar ou à Dubaï (des Jeux d’hiver en intérieur, ce serait original) !