Design et marques aujourd’hui

Les prises de paroles de Jérôme Lanoy président de l’agence Logic Design, sont encore rares, aussi ne boudons pas notre plaisir d’avoir ici son regard sur la place de la marque dans notre monde d’aujourd’hui.
À l’occasion de la sortie du livre « A vos marques » de Jean Watin-Augouard et Franck Jaen, Jérôme fait part de son expérience de patron d’agence.
Ou l’art de parler de ce qu’on connaît !

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La marque : journal d’une réussite

-Part 1-

Dans notre vie quotidienne, nous associons parfois un état d’esprit, une humeur, un instant, à une marque en particulier. Marcher dans la rue, en route pour son travail, et avoir envie non pas d’un café, mais d’un Starbucks. Pour le goûter, s’octroyer le plaisir d’une pause gourmande avec les LU qui nous rappellent notre enfance. Rêver automobile avec Audi, ou ballets avec Repetto. Si ces marques font partie de notre environnement, elles ont surtout franchi le seuil de notre intimité. Ce qui était a priori un simple élément sémantique (originellement, une marque est « un nom qui désigne une offre ») devient partie intégrante de notre capital émotionnel.
Mais comment ces marques en sont-elles arrivées là ? Car « en arriver là » est bien l’expression qui convient. Starbucks, LU, Repetto et tant d’autres ont vécu une aventure épique, ponctuée de réussites, de hauts faits, mais aussi de périples et d’embûches. En un mot, ces marques ont construit une saga, qu’elles continuent d’écrire jour après jour.
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La marque, une histoire de relations

Hier, le succès d’une marque reposait sur la force et la fixité des attributs concrets qu’elle avait construit : son logo, son packaging, son offre et ses services devaient lui permettre de se poser et de s’imposer, de se donner à voir. Statutaire, souveraine, la marque vivait pour et par elle-même. L’ère du digital a bouleversé cette approche froide et distante de la marque.
Cette nouvelle ère est apparue lorsqu’Internet a cessé d’être un simple média pour fonder un nouveau mode d’appréhension du monde. Libre, ouvert, interactif, ce monde abolit les frontières physiques, géographiques, et symboliques : il connecte chacun au monde, et permet à chaque individu de s’exprimer et d’agir de façon égale. Pour s’intégrer dans ce nouveau monde, les marques ont dû modifier leurs modalités d’existence.
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Aujourd’hui, celles-ci vivent bien moins à travers leurs attributs qu’à travers les relations qu’elles cherchent à tisser. Comme Internet, la marque devient plurielle, sophistiquée ; elle se compose d’un faisceau de contenus et d’interactions : entre l’offre et l’identité, entre l’identité et les consommateurs, et même entre les consommateurs eux-mêmes. À l’heure de la liberté d’expression digitale, la marque est autant construite par elle-même que par les consommateurs qui se l’approprient et créent du contenu de marque : ainsi en est-il des logos remaniés par des amateurs, des vidéos de détournement de publicités, ou encore des blogs de fans de marques.
Nous voyons bien que la marque vit en dehors d’elle-même, dans les yeux et les actes de ses clients, et surtout, à travers eux.
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La marque, une vision

Cette co-construction permanente entre le consommateur et la marque est le résultat d’une autre transformation systémique. Hier, la finalité de la marque reposait sur sa capacité à représenter.
Aujourd’hui, la marque doit projeter. Le consommateur n’est plus simplement séduit par une marque, il croit en elle : il en reconnaît les valeurs, en admire l’esprit, en comprend la vision. De l’envie à l’opinion, la marque mute, se nourrit de sens et de symbolique. Ainsi, pour le consommateur, faire le choix d’une marque, c’est d’une certaine façon parler de soi, signer son appartenance à un groupe, exprimer ses convictions.
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Dès lors, la marque se pare d’une nouvelle fonction éminemment sociétale : celle de porter la vision progressiste du monde, voire de le changer. Comment ne pas citer ici Apple, qui a révolutionné l’approche de l’utilisateur à la technologie en opposant l’émotion de l’usage à la connaissance de l’outil ?
Aujourd’hui, nos gestes et notre façon d’appréhender les appareils sont déterminés par cette approche fondatrice. De même, Système U a modifié la structure de la distribution française en cherchant à inscrire chacune de ses enseignes au niveau local. Non seulement la marque a ainsi redistribué les cartes de la production, mais elle a surtout investi la grande distribution d’une nouvelle responsabilité sociale et environnementale.
À suivre
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