Où en est le design musical ?

L’entreprise et la musique. L’association ne vient toujours pas à l’esprit quand on parle d’identité d’une marque. Pourtant les bons acteurs ne manquent pas… Quelles sont les raisons de cette difficulté à s’imposer dans l’esprit du marketing ?
Gérard Caron a rencontré Aurélien Sooukian qui a fondé l’agence By Music avec quelques questions en tête…
Les réponses ne tournent pas autour du pot non plus !

admirable_design_musique-2.jpgGérard Caron : Quelle est la place de la musique aujourd’hui dans les entreprise ?
Aurélien Sooukian :
On constate que la musique a dorénavant le pouvoir de la création de l’univers de la marque, et non plus celui d’être un simple rappel sonore de celle-ci. La plupart des prestataires musicaux sont d’ailleurs toujours emprisonnés dans cette conception morcelée, ils ont sur-segmenté leurs offres, alors qu’en 2015, il est grand temps d’offrir une gestion globale de leur plateforme musicale.
Que seraient The Kooples, Nature & Découvertes, Agnès b. sans la stratégie sonore ?

GC : Comment traiter la musique en entreprise ? Ce n’est pas évident…
AS : La musique est un langage, une discipline que les marques doivent apprendre à manier au même titre que le design, le marketing ou la communication. Secteur trop flou et obscur pour de nombreux annonceurs et agences, une multitude de questions émergent, pour lesquelles ils ont encore peu de réponses.
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GC : Quels genres de questions doit-on s poser ?
AS : En voici quelques-unes :

 Comment définir le territoire musical d’une marque ?

 Quels formats sont nécessaires ?

 Quid de la protection des oeuvres, des redevances SACEM ?

 Quelles sont les attentes des nouvelles générations en matière de son ?

 En quoi la musique peut interpeller un consommateur et influer sur sa perception d’une entreprise ? Ces interrogations se présentent au quotidien et il n’y a personne pour y répondre en entreprise… d’où des agences comme les nôtres !
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GC : Ou parce qu’on a l’impression que les annonceurs et leurs agences sont perdus dès lors qu’il s’agit de traiter du sujet du son…
AS : C’est en tous cas un sujet qui leur pose rapidement problème. L’offre musicale pour les marques, immense, est aujourd’hui fragmentée : artistes indépendants purement créatifs, maisons de disques en recherche de débouchés pour leurs artistes, studios de production sans vision stratégique, catalogues musicaux complexes, banques de sons désuètes… Chacun joue sa propre partition et c’est la cacophonie ! L’océan de possibilité est tel qu’il brouille la grille de lecture des annonceurs et les conduit souvent à faire des choix qui manquent d’efficacité et de pertinence. Des choix « par défaut » qui ne créent aucune valeur sur le long terme pour la marque. Il faut aujourd’hui auprès d’eux un gardien du temple, un superviseur expert du son, un chef d’orchestre qui garantit que la musique est exploitée à son plein potentiel, orientée vers les bonnes cibles et via les bons canaux tout au long de la vie de la marque.
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GC : Constat sévère…Le marché a donc selon vous un train de retard ?
AS : Tant que l’on réduira la vision du marketing musical à une superposition de notes ou un empilement de concepts, on ne permettra pas aux annonceurs de nous comprendre, donc au marché de se développer
On voit les limites de cette approche depuis des années : un métier qui peine à être reconnu, le son toujours cantonné à un rôle purement illustratif, des appels d’offre souvent illisibles, un manque de challenge et d’inspiration des créatifs, des recettes calquées sur les agences de pub des années 70, des « jingles » souvent considérés comme ringards… Le problème majeur, dans notre secteur, c’est que l’on se contente d’avoir fait et non d’avoir bien fait.