Marques d’émotions

Elle dirige le monde, son économie, sa politique, sa culture et, osons ajouter, son design et ses marques ! Jean Watin-Augouard chercheur es-marques, rédacteur d’articles sur l’histoire et la vie du design et des marques nous livre ici sa réflexion sur le rôle de l’émotion…

La marque suscite de l’émoi au-delà des effets du seul marketing émotionnel. Elle commence par ce que ressent le créateur face à son œuvre. Des marques naissent, des marques meurent. Que d’émotions… « Motion & Emotion », promet Peugeot, « Auto Emocion », affirme SEAT, « L’émotion en mouvement », revendique l’horloger Michel Herbelin. Affichée ouvertement par ces trois grands noms, l’émotion est davantage suggérée dans d’autres univers tels le luxe ou les produits de beauté. Ne parle-t-on pas alors de la magie des émotions suscitées par les marques « chaudes », quand les « froides » restent de marbre, hautaines ? Au reste, la marque n’est-elle pas synonyme, en particulier, de vie, de mouvement ? Aussi bien, associer marque et émotion peut relever, de manière sibylline, du pléonasme, voire de la tautologie.

« Émouvoir ou périr », tel serait aujourd’hui le dilemme auquel sont confrontés les responsables marketing, tous secteurs confondus. N’est-ce pas faire fi du passé que de penser que l’émotion serait une idée neuve, un nouveau ressort pour animer la marque, quand, jadis, on l’activait sans le dire ? Tel Monsieur Jourdain s’exerçant à la prose, en un temps où le neuro-consommateur n’était pas encore au cœur des stratégies marketing, mais avait néanmoins en tant que simple consommateur des neurones et un cœur !

L’émotion… créatrice
Qu’est-ce, au reste, que l’émotion ? Il n’y a pas lieu ici d’en faire une analyse exhaustive. et rappelons qu’il est des émotions comme des caractères et sentiments : multiples et liées à chaque personnalité. Mais ne négligeons pas le créateur de la marque. S’interroger sur la relation entre marque et émotion commence par celle ressentie par le créateur/créatrice devant son œuvre, fruit de son étincelle créatrice. « Je crois que je viens de mettre au point un produit promis à un grand avenir », prophétise Louis Lefèvre-Utile devant son Petit-Beurre en 1886. Henri Nestlé n’est-il pas ému, quand, en 1867, une mère peut, grâce à sa farine lactée, nourrir enfin son enfant qui assimile mal le lait maternel ? De même Julius Maggi qui, en 1884, met au point ses farines de légumineuse servant de base à des soupes nourrissantes, rapides à préparer et peu onéreuses pour les femmes qui travaillent à l’usine ? Plus près de nous, en 1976, Yves Saint Laurent inaugure avec le parfum Opium l’ère de la parfumerie de masse, davantage portée par le marketing et la publicité que la recherche.

Steve Jobs ou Mark Zuckerberg ont dû eux aussi être traversés par une certaine émotion quand le premier créa dans son garage de Cupertino l’Apple I, et le second, le réseau social Facebook. Et Jack Ma, fondateur d’Alibaba en 1999, quand il réalise, le 11 novembre 2016, en une seule journée, un chiffre d’affaires de 17,73 milliards de dollars ?

Pas de marque, donc, sans émotion de son créateur…

Merci à Influencia qui a originellement publié ce texte : www.influencia.net.