Packaging : naissance du bio-hédonisme

Le bio n’a plus besoin de prouver son origine en papier recyclé ou emballage transparent. De  nouvelles marques affichent couleurs, jeunesse et humour. Et bousculent les vieux militants.

Par Catherine Heurtebise, Design fax.

Fini, le bio culpabilisant et tristounet, bienvenue dans un monde bio décomplexé et joyeux. « Il est devenu « happy », note Laurence Bethines, directrice du département trend & innovation de Team Créatif lors de la présentation, mi-juin, de son étude « Le bio, 4e génération : nouvelles expériences hédonistes ». Les parents d’aujourd’hui font partie de la génération Y. Ils n’ont pas  connu l’époque militante et ont envie de se faire plaisir. »

Experte dans le domaine pour accompagner depuis près de dix ans les marques Bjorg (le précurseur et leader bio en GMS), Bonneterre, Evernat… l’agence a défini six territoires de consommation où la jouissance remplace l’ascèse.

« Happy good nature » : on trouve des produits proches de la nature, à l’état presque brut, porteur d’un état d’esprit ludique, coloré, spontané. Exemple : la marque américaine Hilary’s, ou l’allemande Wildcorn (qui fait disparaitre le côté bio au profit de la réalité « sauvage » du produit).

Burger végétarien de l’Américain Hilary »s.

 

« Good people » : il s’agit de faire fructifier son capital bonheur, comme nous y engage la marque Moi en mieux. Un décalage quelque peu prétentieux ? Chez Dao, on est dans les instants de vie avec une personnalisation des produits style jeu des 7 familles et des packagings ludiques et pratiques.

Biscuits apéritif du Provençal Dao.

« No worries » : nous sommes dans une nouvelle relation face à la vie, entre le slow food et le vrai. La marque Patience propose un nouvel art de vivre ; Chez Serge à Toulouse entend faire manger du bon bio local.

Mélange de fruits secs de Patience.

« Révélation mystique » : dans la série extrême, je demande la marque bio qui correspond à une foi nouvelle.
C’est la marque britannique Rawligion, une véritable profession de foi de l’amour entre soi, Lesser Evil, marque américaine conceptuelle qui, pour résumer, estime que le bio est le moindre mal ! Le corps est un temple et l’invitation : « Mange, prie, aime ».

Un bouddha rigolard pour du pop-corn à moindre mal par l’Américain Lesser Evil.

« Foodporn bio » : des plaisirs sensuels et intellectuels, à l’image de ce phénomène incroyable du Foodporn (publier sur les réseaux sociaux les photos de ce que l’on est en train de manger). Expérience interdite et ultra sensations du côté de la marque Vitabio qui casse les codes !

Des plaisirs sensuels avec Vitabio.

« Esthetic » : parce que le beau fait du bien. Les 3 Chouettes nous invitent dans un monde mignon et agréable.

Pickles Les 3 chouettes.

En conclusion, comme le rappelle Laurence Bethines, ces évolutions du bio, exprimées au travers des produits
et des packagings, se concrétisent par une multitude « de nouvelles marques alternatives qui sont comme des histoires de vie et concurrençant les leaders du bio. » Ces marques, souvent issues de start-up, manient avec brio « brand content » (contenu de marque) et réseaux sociaux et les traditionnels du bio devraient quelque peu s’inquiéter ! Ils sont passés par quatre grandes étapes que Team Créatif résume ainsi :

– Les années 80 : le bio « militant ».
Il correspond à une dénonciation du système de production et du marketing. C’est le règne du « sans » avec des
packagings quasi transparents pour valoriser le produit.

De la transparence pour dire le produit, rien que le produit chez Priméal.

– Les années 2000 : le bio « naturant ».
Il symbolise les débuts du développement durable. Les premiers codes qui ont installé le bio en linéaires sont le vert, la feuille, les matières brutes (kraft, toile de jute, etc.). Aujourd’hui, ce bio « naturant » existe toujours mais il s’est modernisé. Le vert est devenu plus frais ; l’icône feuille s’est réinventée et une typo plus statutaire s’est installée.

Du vert plus frais pour du bio modernisé, avec Agir, de Carrefour.

Exemples : Sacla, Heinz, Barilla… Et si l’on compare le produit « classique » et sa déclinaison bio, on assiste à
plusieurs cas : soit la mention bio est discrète (Pom’Potes), soit la distinction packaging est forte (Saint Hubert Bio, géré comme une marque à part).

– Les années 2010 : le bio « filière ».
C’est la valorisation du savoir-faire, de la proximité avec quatre éléments clés de la communication on pack : la
variété, le nom du producteur, sa photo, le lieu de production et de ramassage. Exemples symboliques : Le Petit Producteur, (« L’amour est dans le pré »), Lactel (le discours filière détaillé sur le packaging), Bonneterre (valorisation de l’humain) ou encore En direct des éleveurs (la marque de lait créée en 2016 par 31 éleveurs avec un packaging pratique). « Le bio devient une aventure humaine à partager », résume Laurence Bethines.

Une filière valorisée et un packaging contemporain avec « En direct des éleveurs ».

Article précédemment paru dans le Design fax 1030 du 19 juin.