Au Pays-Bas, entre cycles et bol d’air

Ils apprivoisent constamment l’eau et l’air, étendent leurs terres en milieu mouvant. Est-ce la nécessité d’expérimenter qui poussent les Néerlandais à être si créatifs ?

Par Florence Grivet, architecte.

Poursuite du voyage dans le nord de l’Europe, à la même latitude que Berlin précédemment visitée. Me voici à Amsterdam. Tout d’abord, passage – obligé – sur les canaux, inscrits au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco. Un petit tour de navigation pour découvrir la variété des demeures flottantes dans le brouhaha des embarcations, puis une visite s’impose au Rijksmuseum, le Musée national, rouvert en 2013 après une longue période de rénovation par deux architectes de Séville (Antonio Cruz et Antonio Ortiz), afin de contempler les grands chefs d’œuvre de la peinture hollandaise dans leur nouvelle mise en valeur.

Parcourant ensuite les ruelles, je tente de retrouver la boutique Droog. Droog, qui signifie (contre toute attente) « sec » en néerlandais, est le collectif de design amstellodamois qui a contribué à faire éclore l’idée d’un design particulier aux Pays-Bas. Travaillant avec plusieurs designers indépendants pour concevoir et réaliser des produits, projets, expositions et événements, il compte dans ses rangs les fameux Marcel Wanders ou Hella Jongerius (dont l’exposition Breathing colours est en cours au Designmuseum de Londres jusqu’au 24 septembre). Ceux qui passent par Amsterdam cet automne pourront découvrir les premières pièces emblématiques dans l’exposition « Early Droog : the early years of Droog Design« , au Central Museum, à partir de ce 22 septembre et jusqu’au 3 décembre 2017. Fondé en 1993 par le designer Gijs Bakker et l’historienne et critique de design Renny Ramakers, Droog se concentre sur les questions de société. Au Salone del Mobile de Milan de 1993, le duo, issu de la jeune Design academy de Eindhoven, a présenté une sélection d’objets sobres de fabrication industrielle et d’objets trouvés. La présentation était intitulée « Droog Design », en raison de la simplicité et de l’humour « sec » des objets. Le nom est resté, pour une entreprise aujourd’hui florissante.

Commode « You Can’t Lay Down Your Memory » (1991) du designer Allemand Tejo Remy.

Ouvert en 2004, le concept store d’Amsterdam s’est assagi et présente, aux côtés d’objets phares comme la commode aux tiroirs ceinturés, une boutique de produits plus consensuels, un café restaurant avec petit jardin intérieur bucolique teinté d’humour, mais il bouscule toujours un peu avec son hôtel à une seule chambre !

Vers le « jardin féérique » de Droog à Amsterdam.

La circulation piétonne en centre-ville s’avère difficile, disons même dangereuse. Le trafic des bicyclettes, objets cultes du paysage, y est incessant. Lancés dans leur course peu attentionnée aux piétons, les engins sont menaçants et l’atmosphère régulièrement enivrante des effluves herbacées tenaces (marques déposées) rajoute à l’incertitude. J’apprécie de m’éloigner de la ville pour découvrir les alentours et respirer l’air des polders.

Vue sur le parc national d’Oostvaarders.

Non loin de la capitale, le Parc National Oostvaarders offre de belles promenades dans un paysage naturel et écologique de petite Camargue du Nord, propice à la détente et la contemplation de la faune et de la flore. Une population de chevaux et buffles sauvages, daims, renards, oiseaux… cohabite dans un vaste territoire protégé, gagné sur la mer et sur l’industrialisation initialement prévue à cet endroit. Tenu sous l’observation des chercheurs, c’est un endroit plutôt expérimental.

Le centre d’éducation à la nature dessiné par Drost + van Veen. (2009)

Un élégant centre d’information nous y accueille et propose, outre un film et une série d’aménagements pour l’observation destiné au jeune public, une restauration simple en contemplant le paysage linéaire des longues étendues marécageuses au travers de ses baies vitrées panoramiques. Pensées à Mondrian.

Villa Casa Mirador à Almere par Arc2 architecten (photo Eric Goldhoorn).

Proche du parc, la ville d’Almere, également sortie des eaux, initialement à vocation de ville dortoir, semble se proposer comme un grand terrain ouvert à des créations architecturales originales comme celles de Arc2 Architecten. Particulièrement remarquables, la Villa pour trompettiste ou la Casa Mirador (dont l’observatoire haut perché donne une large vue sur la lagune par-dessus la digue) et la grande variété de ponts, éléments récurant du paysage batave.